Familles inces-tueuses, le dernier livre de Séverine Mayer, n’est ni un polar, ni un thriller pour lecteurs en manque de sensations fortes. Pourtant, on y découvre toute l’horreur du quotidien d’une « survivante » de quatorze années d’inceste, et on aimerait tant se dire que tout n’est fiction. Pourtant…
En publiant La Parole, en 2013, Séverine Mayer pensait s’être libérée d’un poids insupportable, et être « sortie d’affaire ». C’était sans compter sur la mémoire traumatique (amnésie post-traumatique) qui réactivera violemment - alors qu’elle est en train de doucher son enfant qui va fêter ses cinq ans - le souvenir de la petite fille qu’elle était, incestuée dans la salle de bain familiale à l’âge de quatre ans et demi.
Sans complaisance ni voyeurisme, elle explique dans son livre toute la rage, la colère, l’incompréhension, la douleur physique, la souffrance morale, les crises d’angoisse, les troubles de la dissociation, de la dépersonnalisation, jusqu’à sa tentative de suicide. Ses moments de répit, fugaces, et d’espoir aussi. Et un questionnement qui tourne en rond sans jamais trouver de réponse : « Mais pourquoi, Maman ? ».
Car, en plus d’avoir subi des violences sexuelles de la part d’un beau-père qu’elle doit gentiment appeler « papa », son inceste se transforme en cauchemar à vie lorsqu’elle constate que la famille, (elle a deux demi-frères) soudée autour de sa « génitrice », prend des allures de toile d’araignée géante. Pour mieux se tisser autour d’elle, victime qui tente désespérément de survivre, et protéger ce beau-père, criminel qui vivra en toute impunité jusqu’à sa mort. Dès l’enfance, Séverine se retrouve condamnée à subir, à mentir, à dissimuler les traces de violence, à faire en sorte d’avoir « l’air normal », alors que tout n’est que chaos et enfer autour d’elle.
« Le principe de la famille inces-tueuse est de tout faire pour que la victime soit mise à l’écart, stigmatisée, dénigrée (…) Pour qu’une famille devienne inces-tueuse, il faut d’abord un pédocriminel qui va démolir un enfant de la famille. Ensuite, il faut un(e) conjoint(e) qui a intérêt à faire en sorte que le crime ne soit pas découvert (complicité passive ou active) ».
Aujourd’hui, installée dans le Gers, Séverine Mayer tente de se protéger de cette mémoire traumatique, qui peut ressurgir à tout moment à travers des faits et des gestes du quotidien, et de réparer son corps et son âme aux côtés de son compagnon et ses enfants.
Elle soutient des actions militantes pour le respect des personnes vulnérables, les migrants, les sans-abris, et se bat depuis des années pour faire abolir en France le délai de prescription toujours en application concernant les violences faites aux enfants. Elle a lancé notamment la pétition #StopPrescription.
Mais la route est longue et difficile tant le sujet est encore considéré aujourd’hui comme tabou. Et les gouvernements qui se succèdent font la sourde oreille en matière de pédocriminalité.
Les victimes, elles, sont pourtant condamnées à perpétuité.
Familles inces-tueuses de Séverine Mayer, publié chez Z4 Éditions www.z4editions.fr