Il y a cent ans… 1919 : le retour des soldats

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À l’occasion du centenaire de la première guerre mondiale, la Société archéologique du Gers et les écrivains publics du Gers se sont associés pour vous faire découvrir la chronologie des événements marquants de la Grande Guerre, tels qu’ils ont été vécus par les Gersois, au travers des grandes batailles qui l’ont émaillée. Chacun d’eux sera l’occasion d’un article qui en reprendra les grandes lignes et s’appuiera sur des portraits d’hommes, soldats gersois, morts ou disparus. L’idée de cette série est de leur rendre hommage pour qu’à travers eux, le sacrifice de tous ceux de 14 ne soit pas emporté par l’oubli, même cent ans après.

Mars 1919… le printemps revient dans le Gers, tout comme les soldats qui sont peu à peu démobilisés et rentrent dans leur foyer. Mais, une fois retombée l’euphorie de l’Armistice, que se passe-t-il pour ces hommes, devenus des anciens combattants ? Et que se passe-t-il pour les civils, qui bien qu’éloignés des zones de combat, ont subi les conséquences de la guerre ?

Il faut en fait différencier deux formes de retour. Le retour auquel on pense le plus, bien évidemment, est celui des soldats, qui, quelques jours auparavant, étaient encore en train de se battre sur le front, mais aussi celui des prisonniers retenus en Allemagne. À côté de cela, il ne faut pas oublier cet autre retour, celui à la vie quotidienne, dans une région, un village, une maison qui, pendant quatre ans, a vécu au rythme de la guerre.

Et puis, il y a ces retours qui ne se font pas car, même si l’Armistice est proclamé, la paix ne sera signée qu’en juin 1919. Et si l’on ne meurt plus sur les champs de bataille, la guerre, hélas, continue de semer la désolation dans les rangs de ses soldats. Ainsi, en 1919, près de 25 000 combattants français vont tomber. Parmi eux, on compte 146 soldats gersois.

Année 1919 : le retour, entre émotion et souffrance

Le retour ne s’est pas fait en un bloc : les soldats ne rentrent pas tous en même temps dans leur foyer. Certains sont déjà rentrés, en raison des blessures ou des maladies qu'ils ont subies. D'autres seront définitivement démobilisés au cours de l’année 1919 mais ont droit à une dizaine de jours de permission, en décembre 1918.

Si les premiers moments de retrouvailles sont joyeux, mêlant le bonheur de la fin de la guerre à celui de retrouver ses proches, un sentiment de tristesse est omniprésent en pensant à ceux qui n’étaient pas ou plus là.  Pour les soldats ayant passé de longs mois au front, le quotidien de l’après-guerre est souvent fait de cauchemars, de réminiscences et de conséquences physiques et morales graves dues à la guerre. Pour l’entourage, également, le retour est compliqué. Il est implicitement demandé aux familles de soutenir leur soldat mais rien n'est fait pour les aider.

Souvent un grand silence s’installe à propos de ce qui s’est passé “là-bas”. Par pudeur ou par protection des êtres aimés. Ce n’est pas non plus le genre de sujet que l’on peut aborder aisément avec des femmes ou avec ses enfants ! Souvent aussi, c’est le traumatisme ou la peur de ne pas contrôler ses émotions qui iraient du désespoir à la noire colère. Une chape de plomb vient recouvrir la mémoire de l’ancien poilu et ses souvenirs de guerre. L’ancien soldat garde ses évocations pour d’autres lieux que la famille : ainsi vont naître les sociétés d’anciens combattants et les fraternelles. Peut-être estime-t-il également que seuls des pairs ayant vécu la même chose que lui sont à même de le comprendre…

Pour les soldats revenus infirmes du front, une autre vie commence, faite de soins, de rééducation et de revalidation. Cette nouvelle vie commence d’ailleurs pour beaucoup avant même la fin de la guerre. La fin de la guerre permet d’organiser plus solidement les institutions d’aide aux mutilés et invalides de guerre. Des ateliers de rééducation professionnels sont mis en place, leur permettant d’acquérir de nouveaux talents. Cette réintégration dans la société sera diversement vécue : certains “feront avec”, essayant au mieux de trouver une place dans la société, d’autres ne supporteront pas du tout “l’après”, et iront jusqu’à la folie, voire le drame irréparable.

L’aspiration d’un retour à la normale

Par ce retour, le soldat comme ses proches, pense retrouver sa vie d’avant. Or, cet avant n’existe plus. Quatre années viennent de s’écouler, pendant lesquelles les uns ont subi les combats, la violence, la peur ; tandis que d’autres ont dû s’organiser et faire face aux privations et difficultés quotidiennes. Tous ont changé, tout a changé. La vie d’avant est impossible, reste à espérer simplement une vie « normale ».

Retrouvant leur vie de famille, les soldats de la Grande Guerre doivent reconquérir une vie mise à mal par la mobilisation, la violence des combats et la séparation prolongée. Ce retour est parfois douloureux, parfois même impossible. L’enjeu des retrouvailles se situe dans la reconstruction des liens, mais aussi dans la confrontation entre des expériences différentes de la guerre et entre la rencontre d’images de vies rêvées qu’il faut faire coïncider avec la réalité d’un quotidien qui n’est plus celui d’avant la guerre. Tout comme l’avait été le départ des hommes en 1914, leur retour fait voler en éclat l’équilibre familial et les pratiques mises en place en leur absence, obligeant chacun à réajuster son comportement. Dans certains cas, le souvenir de la guerre empêche ce retour à la normale dans les relations conjugales, familiales, professionnelles, soulignant la difficulté de ces hommes à retrouver leur foyer et les comportements attendus dans une vie civile ordinaire.

Aussi puissant que soit le désir de se retrouver, dans une vie familiale, une vie bien à soi, ici et maintenant, le « revenant de guerre » ne parvient pas complètement à abolir le lien qui le ramène au passé combattant. Le retour devient alors, pour eux comme pour ceux qui vivent avec eux, une quête douloureuse.

Portrait : Firmin Bartherote

Né le 11 mai 1882, à Sainte-Mère, dans le canton de Miradoux, de Barthélémy et Marguerite Moussaron, Firmin Bartherote exerce la profession de maçon lorsque la guerre éclate. Il est mobilisé au sein de la 17ème section de Commis et Ouvriers militaires d’Administration. Il passe au 139ème régiment d’infanterie le 30 novembre 1916 avec lequel il participe aux combats dans la Somme jusqu’au printemps 1917. Il est alors transféré au 86ème régiment d’Infanterie et prend part à la bataille de Verdun (juillet-août), puis l’Argonne et en Champagne durant l’année 1918. Démobilisé au moment de l’armistice, il meurt le 18 janvier 1919, à son domicile de Saint-Antoine (Gers), des suites de maladie contractée au service.

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