Voilà des semaines, pour ne pas dire des mois, que tout le monde en parle du côté de Marius Lacoste. Cette « finale » (oui, n’ayons pas peur des mots) devrait livrer le nom de l’heureux élu, celui qui continuera l’aventure en Fédérale 1. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai… car voyons les choses sur le plan comptable. Et pas besoin d’être diplômé en mathématiques pour comprendre les données. Avec six points de retard sur les joueurs de Djalil Narjissi et Christophe Tarozzi, les Graulethois, en cas de victoire, reviendraient à deux points. Et dans ce cas, la « finale » n’en serait plus une. Il faudrait alors attendre la suite pour savoir. Le suspense en sortirait gagnant ; mais au diable le suspense, entend-on déjà du côté fleurantin. Par contre, en cas de succès de l’ASF, les Tarnais verraient l’écart porté à au moins dix longueurs. Un gouffre.
Du côté de Fleurance, depuis deux semaines, on travaille à la récupération des blessés pour être au complet dimanche, en alignant l’équipe la plus compétitive possible. Pour Djalil Narjissi qui tient, et on le comprend, à protéger son groupe des pressions extérieures qui pourraient nuire à la préparation de ce rendez-vous, il ne faut surtout pas parler de « match particulier ». « C’est un match comme les autres, assène le coentraîneur de l’ASF. Il n’y a pas plus de pression que ça. Il y a un match à jouer face à un concurrent direct. Il ne faut pas trop en faire, ne pas mettre trop de pression sur les joueurs. On parle beaucoup de ce match comme une finale. Oui, c’est un match qui a beaucoup d’importance pour l’ASF ; mais il y a d’autres matchs après. »
« Combativité à 200 % »
Les 60 points encaissés lors de la journée précédente en Aveyron, face à une formation qui, pourtant, ne figure pas dans le haut de tableau, n’ont entamé en rien le moral des troupes. Et d’après le staff gersois, il n’y faut pas y voir un accident de parcours mais plutôt le fait que l’AS Fleurance « fait avec les moyens qu’elle a, tout simplement ». Fin des débats. Place au match de Graulhet. Et tous les voyants sont au vert pour dimanche : équipe au complet, motivation on ne peut plus présente, un public nombreux et passionné. Seule la météo pourrait apporter son grain de sel. Mais qu’importe, sous le soleil ou sous la pluie, le groupe fleurantin connaît les enjeux. « Les gars ont conscience que c’est un match important pour nous » nous rassure Narjissi, si besoin était de rassurer le public quant à la motivation. Lors des derniers entraînements, puisqu’il était inutile « de perdre du temps sur ce qu’on maîtrise déjà, on a surtout travaillé les bases, puis la conquête. Car il faudra mettre de la combativité à 200 % ». Parole de coach.
Classement actuel :
1. Valence Romans 75 pts
2. Blagnac 61
3. Nîmes 51
4. Aubenas 49
5. Narbonne 40
6. Castanet 36
7. Rodez 32
8. Céret 32
9. Saint-Sulpice 31
10. Fleurance 19
11. Graulhet 13
Les rencontres de cette 18ème journée :
Vendredi 1 mars (sur la chaîne L’Équipe) :
Nîmes – Aubenas
Samedi 2 mars :
Valence Romans – Céret
Dimanche 3 mars :
Fleurance – Graulhet
Saint-Sulpice – Narbonne
Jean-Marc Aué, entraîneur de Graulhet : « Je me fous de comment joue Fleurance »
- Pour le match de dimanche, Jean-Marc Aué, êtes-vous d’accord de parler de match capital ?
- Oui, c’est un match qui compte double ; c’est-à-dire sur un plan comptable, mais surtout dans l’optique du maintien.
- Lors de la journée précédente, pendant que Fleurance s’inclinait lourdement à Rodez, vous réussissiez un nul qui vous a permis de revenir à six points de l’ASF. Cela est-il une lueur d’espoir pour votre équipe ?
- J’ai envie de dire non, car on ne va pas se satisfaire du nul contre Saint-Sulpice alors qu’on a besoin de points. On va dire plutôt qu’on en a laissé deux en route. Aujourd’hui, on ne regarde pas ce que fait Fleurance. L’important, c’est ce qu’on fait.
- Au match aller, contre Fleurance, vous aviez obtenu ce qui est aujourd’hui votre seule victoire depuis le début de la saison. Vous allez vous appuyer sur ça comme motivation supplémentaire, non ?
- On ne va pas se mentir : si on perd dimanche, on est condamné à la Fédérale 2. Il nous reste quatre matchs puisqu’on sera exempt le jour où Fleurance recevra Céret. Donc, on n’a plus trop le choix. Ce n’est pas compliqué, si on ne gagne pas à Fleurance, on aura un pied et demi en Fédérale 2.
- Justement, si, comme vous dites, vous deviez vous incliner dans le Gers, comment trouver la motivation pour finir ce championnat ?
- J’ai un groupe qui, malgré les difficultés, ne lâche jamais rien. Et ça, c’est le gros côté positif. Dans l’engagement et l’envie des joueurs, je ne peux rien leur reprocher. Je n’ai aucun doute sur la fin de saison, même si on venait à descendre.
- Face aux Fleurantins, y a-t-il un domaine sur lequel vous les craignez le plus ?
- Je vais vous dire un truc : le plus qu’on craint, c’est Graulhet ! Ce sera un match très serré parce qu’il va y avoir beaucoup de pression et d’enjeu. Mais à la rigueur, j’ai envie de vous dire que je m’en fous un peu comment joue Fleurance. Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’on est capable de faire nous. Mettre notre jeu en place et lever le niveau sur 80 minutes.
- Votre coprésident Guy Laporte, se montre pessimiste pour l’avenir des clubs amateurs en Fédérale 1. Partagez-vous ce point de vue ?
- Aujourd’hui, en Fédérale 1, c’est le budget qui décide si on se maintient ou pas. Ce n’est pas la qualité des joueurs, c’est le montant du budget… Sur les 47 clubs qui sont en Fédérale 1, il y en a à peine dix qui ont un budget correct pour survivre correctement. Graulhet a 500 000 euros de budget, Romans en a 7 000 000 ; impossible de lutter… Puis il y a l’exigence physique. Et pour nous, Graulhet, on n’a pas l’opportunité, ni le temps, ni la possibilité de faire des entraînements supplémentaires. On ne lutte pas avec les mêmes atouts.
A la veille de ce match capital pour les deux équipes, les dirigeants des deux clubs se livrent sur cette rencontre, mais aussi sur leur vision de cette Fédérale 1 et l’avenir de leur club respectif :
Michel Courtès : «Les joueurs savent ce qu’ils ont à faire »
Coprésident de l’AS Fleurance. Michel Courtès dit ne pas avoir de pression particulière à l’approche de ce match et reste très confiant en son groupe.
- Michel Courtès, vous-même comme tout le monde ici à Fleurance, ça fait longtemps qu’on attend ce match…
- Oui, c’est sûr, le maintien va se jouer à Fleurance, ce dimanche. J’espère que tout le monde va y mettre les ingrédients nécessaires, surtout les joueurs qui prennent conscience qu’ils vont sauver une saison qui a été difficile. C’était notre apprentissage en Fédérale 1, et on espère valider notre billet pour l’année prochaine.
- En tant que dirigeant, vous ne ressentez aucune pression particulière ?
- Non, personnellement, je n’ai pas de pression. Les joueurs, plus que moi, je pense. De toute façon, ils savent ce qu’ils ont à faire dimanche. Et je pense qu’ils le feront, il n’y a pas de souci. Je ne suis pas inquiet du tout, je ne l’ai jamais été. C’est sûr que l’on a eu une poule difficile avec des équipes comme Romans, Aubenas, Blagnac ou Nîmes ; on aurait pu se décourager en début de saison quand on a vu cette poule, mais bon, je savais que de toute façon on y arriverait. On aurait pu être un peu plus haut au classement… Il n’y a jamais eu d’inquiétude au sein du club.
- Vous avez eu l’occasion de parler aux joueurs ces jours-ci ?
- Non. Je le ferai vendredi soir et dimanche, juste avant le match.
- Guy Laporte, le coprésident de Graulhet, se montre très pessimiste (voir interview ci-dessous) pour son club, mais également pour d’autres, comme Fleurance par exemple. Il s’inquiète de l’avenir des petits clubs de Fédérale 1. Le rejoignez-vous dans sa vision des choses ?
- Nous un des plus petits budgets de Fédérale 1. Déjà, on des difficultés lorsque nos Espoirs vont jouer loin, alors que l’équipe 1 joue à domicile. Ou vice-versa. C’est quelque chose d’incompréhensible. Je ne comprends pas et je m’interroge, je l’ai même dit en réunion, je m’interroge sur la raison pour laquelle ils ont voulu faire cela. Alors qu’avant, c’était beaucoup mieux… Tant que l’on ne fera pas un grand rassemblement dans le Gers pour avoir une grosse équipe… Je pense qu’il n’y aura pas d’autres équipes en Fédérale 1 par la suite dans le Gers… Il ne faut pas se disperser en fonction de ses égos…
- Mais alors, ce serait la fin du rugby de clocher ?
- En quelque sorte, oui. Ou alors, il faudra que Fleurance joue en Honneur ou en Fédérale 3.
- Si on vous suit bien, vous êtes pour, dans l’avenir, une fusion entre Auch et Fleurance ?
- Je n’ai jamais été contre. Oui, parfaitement. Et il faudra y arriver, à terme, si on veut exister.
Guy Laporte : « Le rugby marche sur la tête »
Ancien demi d’ouverture international du SC Graulhet, Guy Laporte est aujourd’hui un des quatre coprésidents du club tarnais. « Je suis resté longtemps comme spectateur », avant de revenir aux manettes cette saison. Et gentiment, samedi dernier, au téléphone, juste avant le match France – Ecosse, il a bien voulu répondre à nos questions. Sans langue de bois !
- Guy Laporte, lorsqu’on connaît l’histoire de votre club dans le passé, quels sont vos sentiments de le voir en si grande souffrance aujourd’hui ?
- Ecoutez, si vous avez trop d’argent dans le Gers, prêtez-nous en, comme sponsor (ironique). Maintenant, malheureusement, c’est ça. On a un petit budget de 500 000 euros et on est obligé de faire notre recrutement avec ça. C’est très difficile de faire venir des joueurs, avec les nombreux clubs qu’il y a par chez nous. Donc on essaye de se concentrer sur des Espoirs, des jeunes qui présentent un certain potentiel.
- L’argent est le principal handicap pour un club comme Graulhet ?
- Il y a une désaffection des jeunes, c’est terrible. Les jeunes se tournent vers d’autres disciplines, et moins vers le rugby. Quand on voit les pertes d’effectif, c’est énorme. Il faut essayer d’endiguer cette hémorragie.
- Depuis maintenant un certain nombre d’années, de plus en plus de joueurs étrangers viennent en France, dans différents niveaux. Cela a-t-il un impact sur ces désaffections dont vous parlez ?
- Oui, mais ça, c’est surtout au niveau professionnel. Mais c’est vrai que ça a un impact. Les joueurs français ont besoin de temps de jeu qu’ils n’arrivent pas à avoir ; donc, ne voyant pas de possibilité de jouer à un niveau intéressant, ils se détournent et arrête trop tôt. Tandis qu’avant, les jeunes, en insistant, ils savaient qu’ils auraient leur place un jour ou l’autre. Puis aussi il y a un autre problème, que vous n’avez pas dans le Gers car vous n’avez pas de club dans l’élite, c’est ce qu’ils appellent « 100 % Territoire », c’est-à-dire, tout pour le club phare du département. C’est-à-dire qu’à partir des minimes, on vous pique les meilleurs joueurs.
- Revenons au match contre Fleurance. Vous restez sur un nul (16-16 contre Saint-Sulpice) qui vous permet de revenir à six points de l’ASF. L’espoir du maintien est encore là ?
- On fait match nul alors qu’on doit gagner. Contre Nîmes, on menait à la mi-temps en jouant contre le vent… On ne sait pas gagner. Et ça rejoint ce que je disais avant ; un manque d’expérience des leaders de jeu et on ne prend pas les bonnes décisions sur le terrain. C’est certain que si on pouvait recruter des joueurs de Pro D2 comme certains, ils ne feraient pas ces erreurs.
- Pour ce déplacement à Fleurance, êtes-vous optimiste ?
- Il faut être réaliste… (il s’arrête et change de ton) Ecoutez, je vais vous dire même mieux : continuons comme ça, jouer face aux professionnels… Normalement, la Fédérale, c’était la division des amateurs ou des semi-pro à la rigueur. Mais si on doit y maintenir les professionnels, moi, je dis qu’on n’a rien à y faire. Ni Fleurance, ni Graulhet d’ailleurs. Parce que les joueurs se fatiguent, ils se blessent, tout le monde se décourage. Je n’y vois qu’un intérêt de plus en plus limité. On parle de beaucoup de choses, mais pas d’intégrité physique. Quand vous jouez contre une équipe comme Romans par exemple, avec des gars qui s’entraînent toute la journée, qui ont un potentiel énorme, je vais vous dire, c’est même dangereux. Alors pour répondre à votre question, oui, évidemment, si on gagnait à Fleurance, on se rapprocherait. Mais si ça ne change pas (en parlant de la Fédérale 1), et je ne pense pas que ça va changer… Et puis aussi, regardez un club comme Rodez, qui est sanctionné et qui doit aller en Fédérale 3, avec je ne sais pas combien de dette, et on ne les empêche pas de recruter, ils continuent comme si de rien n’était ; on marche sur la tête.
- On vous sent dépité…
- Je vous dis ce qui en est. Moi, vous savez, j’ai fait ma carrière, et pas en Fédérale 1. Je suis tranquille là-dessus. Je vous dis ce qui ne va pas aujourd’hui et pourquoi le rugby marche sur la tête, même en Fédérale 1. Après, Fleurance est une équipe valeureuse qui fait de bons résultats à domicile, et c’est sûr qu’ils partiront largement favoris. Parce qu’on n’accroche pas des équipes comme Narbonne ou Rodez sans avoir de potentiel. Mais pour Fleurance comme Graulhet, dans un rugby où il faut de plus en plus de sponsors, l’avenir est menacé. L’avenir de huit jours, ça va, mais après ? Tout le monde, de toute façon essaye de faire le maximum. Mais on est à mille lieues des clubs professionnels, même de ceux qui sont dans notre poule.
- Dans le cas ou votre club devait descendre en Fédérale 2, ce ne serait pas la mort du rugby à Graulhet. Il y aura toujours du rugby à Graulhet ?
- Oui, dans la mesure où on arrive à assurer une certaine formation, même si tout le monde s’en fout plus ou moins de ça, maintenant… C’est le rugby en général qui subit une désaffection, et ils (les instances) feraient mieux de se concentrer là-dessus. Je crois… Mais notre passion pour le rugby reste intacte.