Habiter le Gers depuis 5 ans, aimer toutes les musiques donc aussi le jazz et n’être jamais allé à Marciac pour le festival, c’était une grosse lacune qu’il fallait absolument combler.
Depuis hier, c’est chose faite . Entrainé par des amis habitués des lieux, j’ai fait mes premiers pas dans le village qui est devenu le haut lieu du jazz européen sinon mondial. On m’avait prévenu mais c’est vrai, il y a beaucoup de monde ( surtout un dimanche) mais tout est zen, tout coule bien. D’abord, pas de bouchon pour arriver, des places de parking disponibles et à peine une centaine de mètres à pied et on est au cœur du village. On fait le tour des arcades pour flâner parmi les échoppes, les galeries, les boutiques et déjà on entend des petits groupes qui jouent dans tous les coins. Ensuite on gagne la « grande » place où à l’ombre des parasols on peut s’asseoir , prendre un verre et écouter gratuitement les formations qui prennent place sous le chapiteau du « off ». Et là, premier coup de cœur ! Sans être sexiste ou machiste, j’ai toujours pensé que la trompette était un instrument réservé aux hommes. Je garde toujours l’image de Louis Armastrong ou de Dizzy Gillespie et de ses énormes joues qui se gonflaient de façon presque risible et qui pouvaient faire penser que l’effort fourni pour souffler était énorme. Mais pas pour la toute jeune fille qui prend place sur la scène.
Sur des standards, en toute décontraction (pieds nus), et avec légèreté ( il lui arrive de tenir sa trompette d’une main et d’esquisser des pas de danse), elle sort des sonorités très pures sur des arrangements sobres et mélodieux. Accompagnée par piano, basse et batterie , elle reçoit en cette fin d’après midi, une ovation méritée. En bon journaliste, je me renseigne sur la belle et j’apprends qu’elle s’appelle Lucienne Renaudin Vary, qu’elle a 19 ans, et qu’elle a eu l’honneur d’ouvrir le festival vendredi soir en première partie de (quand même !) Wynton Marsalis et Ibrahim Maalouf.
En creusant un peu sur internet , on lit que si elle a reçu une formation classique au conservatoire, elle passe du jazz à Haydn sans transition et elle a remporté les Victoires de la musique en 2016 dans la catégorie révélation soliste instrumental. Allez, je ne prends pas beaucoup de risque en écrivant qu’on entendra beaucoup parler d’elle dans les années qui viennent et que surtout , on prendra beaucoup de plaisir à l’écouter.
Mais la journée n’était pas finie et il a fallu bien vite gagner le grand chapiteau ( après avoir satisfait aux différents contrôles de sécurité qui agacent certains mais rassurent tout le monde) pour écouter Brad MEHLDAU en trio traditionnel ( piano, basse, batterie). Et bien vite, le virtuose américain nous fait pénétrer dans son univers avec ses propres compositions ou des reprises de standards. Il alterne fulgurances et moments de grâce et laissent de l’espace d’expression à ses compagnons (deux « pointures » comme on dit). En tout cas un joli moment passé.
Je passe plus vite sur la seconde partie avec Joe Lovano et Dave Douglas en quintette. C’est un jazz plus exigeant, plus ésotérique peut être, que je ne suis pas à l’heure d’aujourd'hui en capacité d’apprécier mais qui ne retire rien à la virtuosité des musiciens.
Il était pas loin d’1h00 du matin et le retour fût aussi limpide que l’arrivée. Pas de bouchon, un itinéraire balisé, un vrai plaisir. Je reviendrai, c’est certain.