Dominique Duriez, proviseur du lycée catholique Saint-Louis, de Bayonne, a prononcé une conférence passionnante au Centre culturel le Clan le 26 janvier sur la manière de penser des adolescents, baptisés « génération Z » (1). Il se présente comme le père de 4 enfants et le proviseur de 750 lycéens après 20 ans d’enseignement.
Une différence radicale
Il explique que les neurosciences ont fait des avancées depuis 15 ans : elles permettent de « voir » le cerveau en fonctionnement. Les générations précédentes se lancent dans un exercice, une expérience ou une prise de décision une fois qu’elles ont tous les éléments en main, après analyse et synthèse de toutes les données.
Au contraire, la génération Z se lance dans l’exercice ou l’expérimentation directement et perfectionne le résultat au prix de retours en arrière fréquents, comme le permet l’informatique de leurs smartphones. Son acquisition de connaissances est séquentielle et non analytique. Elle agit puis réfléchit. Et cherche de l’aide après l’action.
Retour en arrière et entraînement
C’est rapide, intuitif, mais pas approfondi. Les jeunes de cette génération doivent donc apprendre à approfondir pour être efficaces. Car ce faible approfondissement entraîne des jugements de valeur superficiels, sur lesquels les générations plus anciennes doivent les aider à pousser leur raisonnement jusqu’à l’absurde : « les parents, les profs et les politiques, tous pourris », c’est un peu court...
Les neurosciences enseignent que les parcours neuronaux s’atrophient s’ils ne sont pas utilisés : le cerveau retient ce qui est fréquent et non ce qui est important. Or, ces parcours sont fréquents dans un mode de raisonnement par amélioration successives.
L’engagement change de valeur
Il découle de cette manière de raisonner de la génération Z que :
- la notion d’engagement n’est pas la même que celles des autres, puisque le retour en arrière est toujours possible,
- apprendre n’est pas la première source du savoir,
- les règles et les lois viennent après,
- l’expérience est tentée avec tous les risques qu’elle comporte.
« Je fais l’exercice et après, je comprends ! » Si bien que pour expliquer, l’adolescent a besoin de faire.
Un autre enseignement
Cela entraîne une autre pédagogie : le cours vient après les exercices.
Le bon côté des choses : appréhender un sujet nouveau est plus rapide et plus facile et les adolescents sont bons en créativité et en recherche, mais ils doivent s’entraîner sérieusement. Alors que les autres générations sont inquiètes si elles n’ont pas toutes les données en main.
Conséquence au collège : les bons élèves disciplinés - « notamment les filles » - ont de bonnes notes jusqu’en 4e, mais lorsque l’on passe à l’enseignement des savoir-faire pratiques, ils sont désorientés.
Dans l’enseignement classique, l’erreur, la faute est un problème, maintenant, l’erreur fait partie de la réussite. Ces ados sont « inculpabilisables » ! Noter que le cerveau ne comprend pas le négatif, mais qu’il le retient !
Comment leur parler
Il faut leur faire confiance et leur demander quelle est leur intention ou quel est leur projet, comment ils vont procéder. Bref, les pousser au bout de leur raisonnement et non les ramener systématiquement aux règles. Le cerveau est cumulatif : il retient l’erreur, surtout si elle est soulignée en rouge ! Les maîtres doivent vérifier que les corrections sont effectuées pour qu’elles soient retenues.
Les adolescents prétendent pouvoir faire plusieurs choses en même temps : les neurosciences prouvent que c’est faux. Le cerveau alterne les tâches. Malgré toutes les tâches alternées (écouter de la musique en faisant un exercice), les adolescents doivent apprendre à être présents au cours, à table, à ce qu’ils font.
L’expérience n’est pas transmissible. Si l’adolescent ne fait pas sa propre expérience il ne vous croira pas. L’intérêt de ce passage préalable par l’expérience est que chacun avance à son rythme vers sa propre autonomie.
Le conférencier conclut en disant qu’il n’y a pas de frontière précise entre les deux modes de raisonnement : certains adolescents utilisent la méthode analytique avec leurs parents et l’expérience avec les autres.
(1) La génération X est née dans les années 1960, la génération Y, entre 1980 et 1999 et la génération Z, à partir de 2000. C’est à partir de Y (Why?), parce que cette génération posait beaucoup de questions, que les autres générations auraient été désignées.