Il est des hommages où les regrets ont quelque chose de stéréotypé et de purement superficiel. C’est tout le contraire que Nogaro a réservé à son grand homme décédé. La salle d’animation n’était pas assez grande pour contenir la foule venue lui dire adieu. Un foule de toutes tendances politiques.
Cette foule entre lentement et gravement dans la salle, tandis que retentit une musique nostalgique.
Une carrière pleine de responsabilités (1)
Des valeurs humaines fortes
Christian Peyret, très ému, décrit un homme de conviction, « un inlassable militant pour la justice sociale », qui aimait le Gers et sa ville. Un homme de contact, à l’écoute et au service des autres, ce qui l’a fait apprécier de toutes les sensibilités politiques. Pour qui le bon sens, la générosité, l’engagement et les qualités humaines étaient primordiales.
Un maire agissant
Le maire énumère une liste de réalisations qui ont transformé Nogaro :
- la modernisation du groupe scolaire et la création d’une cantine,
- le développement de l’hôpital et de l’EHPAD,
- la réfection des arènes,
- la défense et la modernisation du circuit de Nogaro,
- la salle d’animation et son parc.
Pour tout cela, Jean-Pierre Pujol a su faire confiance et donner à chaque élu sa place et sa mission. Le résultat : « tel un d’Artagnan des temps modernes », il avait une garde rapprochée de fidèles (Pierre Barrère, Gaston Baumel, Christian Clayzac, Roger Combres et Michel Lacamoire).
Un amoureux de la langue française
« Merci Jean-Pierre pour vos beaux discours, vous maniiez la langue avec tellement de facilité ! », s’exclame Christian Peyret. Il y avait toujours une anecdote amusante et une belle citation à la chute.
Un préfet avait comparé Nogaro au Far West, vu son éloignement d’Auch. Il répliqua : « Nogaro, Monsieur le préfet, vous avez raison, est bien le Phare Ouest du département ! » Une formule devenue célèbre.
Quelques mots plus personnels
« Jean-Pierre, au début de 1995, vous m’avez demandé d’intégrer votre liste pour les élections municipales : ce fut un immense honneur pour moi ». De même, «, quand, en 2008 vous m’avez sollicité pour vous succéder comme maire, quelle ne fut pas ma surprise, mon étonnement pour cette marque de confiance ».
Pour Christian Peyret, le bilan de ces années auprès de Jean-Pierre Pujol, c’est une vision politique élargie, la volonté d’être un bâtisseur, l’envie d’aller de l’avant et de poursuivre avec ferveur le développement de Nogaro. « Merci pour votre amitié et vos conseils éclairés, pour avoir cru en moi. Vous resterez à jamais mon père spirituel ».
La famille rend témoignage
Christine Carrère-Campistron, nièce de Jean-Pierre Pujol, institutrice et adjointe au maire, fait passer un souffle d’émotion profonde sur l’assemblée en dépeignant l’enseignant. Ses mots, que l’on dirait tirés d’une mélopée antique sont bouleversants et témoignent d’une peine profonde. Elle a été institutrice stagiaire dans la classe de son oncle. « Tu étais un grand maître, un homme droit, pétri d’humanité (…) avec une sévérité savamment dosée, calme mais ferme... » Elle insiste sur sa volonté d’ouvrir l’esprit des enfants : « Tu transmettais à tes petits ta curiosité pour les choses du monde et de la vie ». Et encore : « Tu accompagnais tous ces jeunes esprits dans ton « école de la pensée » et de la relation à l’autre. Tu savais ce que voulait dire honnêteté, justice et laïcité au sens noble du terme. Tuleur insufflais le goût du travail et du respect, la tolérance et la raison. Tu enseignais avec grâce, humour, rigueur et finesse (…) Tu leur as enseigné avec passion la langue de Molière (…) On sentait en toi cette bonne foi parfaite, le désir de savoir et la résolution, déjà arrêtée, de conformer ta vie aux vérités conquises ».
Elle conclut : « Je suis sortie de ta classe en ayant compris, en ayant appris, sûre désormais que c’était dans tes pas que je voulais marcher. Comme il faisait bon dans ta classe ! »
C’est au tour des petits-enfants de parler de leur grand-père. Ils parlent de sa bienveillance, de la sagesse avec laquelle il les guidait. Il leur a enseigné le respect et la tolérance. Ils se souviennent des promenades dans les rues de Nogaro, des lectures qu’il leur faisait et de l’Histoire de France dont il leur parlait. C’était aussi un formidable conteur. Fin gourmet, il veillait au partage équitable du foie gras... Il arbitrait les parties de rugby à l’école...Il aimait faire des voyages avec eux…
Élisabeth Dupuy-Mitterrand
La présidente de la communauté de communes rappelle que Jean-Pierre Pujol a été l’instituteur de ses enfants : il leur a fait explorer l’humanité. Et c’est sur son épaule qu’elle s’est appuyée au moment de la mort de sa mère. Elle retient son amour des autres, « de tous les autres », son rapport avec la France et le Gers.
Gisèle Biémouret
La députée Gisèle Biémouret souligne la force rassurante et la rigueur intellectuelle de Jean-Pierre Pujol, son art du discours et de la formule.
Le discours de Philippe Martin
Pour le président du Conseil départemental (CD), cet hommage est à l’image de la vie de Jean-Pierre Pujol : simple, chaleureux et sincère. Il éprouve un immense et inexprimable chagrin. Tous deux se complétaient par leurs différences et Jean-Pierre se trompait rarement dans ses jugements. Et il était trop instruit de la comédie humaine pour apprécier la flatterie.
Il a été l’un des architectes du renouveau du Gers. Il a littéralement habité pendant plus de 20 ans l’hémicycle du Conseil général et il enflammait ses amis politiques quand il ne les faisait pas rire. Un exemple : il dit un jour à un collègue : « La morale eût voulu que vous vous excusassiez, mais vous ne le fîtes pas ! ». Pourtant, il n’était jamais blessant : « c’est inutile », disait-il.
Jusqu’au bout, il a gardé le privilège de conserver sa liberté, y compris celle de ne pas se plaindre.
Fier d’appartenir au parti de Jaurès, c’était un républicain intransigeant : l’instituteur n’était jamais loin. Son mot : « Ne jamais oublier, encore moins trahir les valeurs de la République ». Avec tout cela, c’était un homme qui aimait éperdument sa famille.
Nous, il nous reste à nous mettre à sa hauteur.
(1) Christian Peyret raconte l’instituteur venu à Nogaro en 1963, qui s’investit dans Nogaro qu’il ne quitte plus : directeur du groupe scolaire, secrétaire général du club de rugby (qu’il affectionnait particulièrement), correspondant de la Dépêche du Midi, il est passionné par la politique : il s’engage dans la section locale du PS et se fait élire conseiller municipal en 1977, puis maire en 1989. Il le restera jusqu’en 2008. Et ce n’est pas tout : il est aussi président du conseil d’administration de l’hôpital, président du Sictom Ouest, conseiller général de 1994 à 2015, président du Sdis. En 2001, il devient député en remplacement de Claude Desbons, député-maire d’Auch décédé. Premier vice-président du Conseil général, il en devient président quand Philippe Martin est nommé ministre de l’Écologie.