Jeudi 2 juin, Jean-Paul Sempé, qui anime avec Guy Dutirou l'atelier vignes et vins du Clan centre socio-culturel, répète avec conviction, une fois encore : ce qui est important, c'est « l'œil, le nez, la bouche et l'histoire ». Cette fois, c'est le vin jaune du Jura, dont traite notre animateur. Il commence d'ailleurs par un peu de géographie pour situer le vignoble et son terroir.
Un vin d'une grande finesse
Alléchée par les explications de Jean-Paul, l'assistance, réduite mais enthousiaste, boit ses paroles en attendant de déguster le vin jaune. Celui-ci révèle une ressemblance avec le jerez (ou xérès), ce qui est logique, car les processus de vinification sont voisins. Pour les amateurs les plus éclairés, le vin jaune révèle des arômes de noix, noisette, amande, pain grillé, miel, cannelle, vanille, caramel, pain d'épices, céleri, curry etc. Selon notre animateur, il met en valeur le fromage de comté.
Géographie
Le vignoble pousse sur le versant occidental du fossé bressan sur des sols marneux recouverts d'éboulis calcaires et d'un peu d'argile. Un terrain qui conserve bien l'humidité. Humidité dont a besoin le cépage unique du vin jaune, le savagnin. L'altitude du terrain va de 250 à 400 m et les pentes sont fortes (de 10 à 40%). Le climat, à tendance océanique subit une influence continentale qui donne de fortes amplitudes de température. Les précipitations sont élevées : de 1 000 à 1 200 mm. Important : l'automne est sec et ventilé.
Histoire
L'histoire du vin dans le Jura remonte aux Celtes. Quant au vin jaune, il vieillit obligatoirement dans des fûts de chêne pendant 6 ans et 3 mois. On raconte qu'au XIIIe siècle, le duc de Bourgogne Philippe Le Hardi faisait des cadeaux de vin jaune à toutes les cours d'Europe. Au XIXe siècle, les Britanniques étaient très amateurs de vin jaune. Mais ils se sont plaints à Napoléon III de l'irrégularité dans la qualité. Le savant Louis Pasteur a essayé de chauffer le vin, pour s'apercevoir que cela n'avait pas d'effet. Cependant, des règles d'hygiène ont été écrites pour améliorer le processus de vinification.
Vinification
La production de cet « or du Jura » est faible : 1 500 hl/an, à raison de 35 à 40 hl/ha. Les grappes de savagnin sont vendangées tardivement. Après la fermentation malolactique (1), le moût est mis dans des fûts de chêne usagés, sans débourbage (clarification) ni sulfitage. La part des anges (2) n'est pas compensée. Ainsi se forme un voile de levures qui interdit l'acidification. Il est ensuite mis en bouteilles dans un flacon très spécifique, le clavelin, d'une contenance de 62 cl. Certains expliquent cette contenance particulière par le fait que l'évaporation durant l'élevage ôte 38 cl par litre de vin. D'autres citent de vieilles mesures, la demi-pinte et le chauveau (un quart de pinte).
Le savagnin est originaire du Tyrol et il est de la famille traminers, avec des traces de petit manseng (3).
D'autres vins du Jura sont célèbres, à juste titre : le vin de paille (dont les raisins sont séchés sur des claies) et le macvin (vin de liqueur).
(1) Transformation de l'acide malique en acide lactique par l'intermédiaire de bactéries anaérobies appelées bactéries lactiques. (2) Partie qui s'évapore pendant le vieillissement en fut. (3) En Alsace, il prend le nom de klevener et une mutation aromatique a donné le gewürztraminer.