Bassoues, station thermale au XVIIIe siècle !

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Le Gers a possédé dans le temps plusieurs stations thermales restées inconnues soit par manque de communication soit par manque de distractions offertes aux visiteurs.

Bassoues fut l'une d'elles.

Ses eaux étaient pourtant très efficaces si l'on en juge les réponses faites par M.Treille, médecin breveté à Bassoues à un questionnaire envoyé par M.le Préfet du Gers le 12 ventôse an X.

Cet établissement fut commencé d'après ce médecin vers la fin de 1786 et terminé vers la fin de 1789 ; le citoyen Coutens en fut le fondateur-propriétaire et le médecin Treille fut le premier qui attribua des propriétés extraordinaires à ces eaux.

Il en ordonna la boisson à Pierre Pagès, maçon, atteint d'une soif ardente que rien n'avait pu étancher dans une convalescence languissante de trois mois mais l'usage de ces eaux en boisson pendant 3 jours le guérit radicalement.

Les eaux jaillissent du côté d'un coteau dit de l'Etendard au haut duquel est la métairie de Lahorte.

Les eaux sont d'une température de 11 degrés aussi limpides et aussi légères que l'eau distillée, apéritives, toniques, dessicatives, contenant beaucoup de gaz que les savants appellent « carbonique » ; le goût en est agréable et laisse cependant à la bouche une fraîcheur ou une très petite ou presque insensible saveur vitriolique.

Un célèbre médecin de Vic Bigorre était extraordinairement épris de la qualité de ces eaux. Il disait que l'on n'en connaissait de même nature que dans la Toscane et une autre source à Spa. Il s'était proposé de la faire connaître à l'école de santé mais la mort de lui en laissa pas le temps.

On fait usage des eaux de Bassoues avec grand succès en boissons dans les fièvres putrides et inflammatoires, dans toutes les fièvres intermittentes et lentes, dans les délabrements et embarras de l'estomac, dans la dyssenterie, le flux de sang, dont toutes sortes d'affections hémorrhoïdales dans l'épaississement du sang, les coliques néphrétiques, d'entrailles, d'estomac et autres, dans les épanchements de bile, les pâles couleurs, le calcul ou gravier des reins, les maladies de la vessie, des yeux etc.

En bains, on a vu des effets étonnants dans les maladies des femmes, des nerfs, dans les foulures, les meurtrissures, dans les plaies, ulcères, ulcères scrofuleux des jeunes gens, dans toutes les maladies de la peau dans les douleurs rhumatismales et autres dans les coliques néphrétiques et autres, la gravelle, les affections différentes du sang hémorrhoïdal, dans l'apaisement du sang les maladies des yeux etc

On raconte à Bassous que malgré la sagacité et la vigilance des médecins, il y avait 3 mois que le jeune Tenet, neveu du général Laubadère avait perdu la vue ; le médecin Pujos lui ordonna l'usage des bains et des eaux de Bassous ; leur effet en 20 jours fut de détourner et faire couler les humeurs de ses yeux ; il recouvra parfaitement la vue, il avait alors 10 ans, il en a actuellement 24 il est très dispo et a de bons yeux.

Pour les bains la saison la plus favorable est depuis floréal jusqu'à vendémiaire mais dans les cas pressants, on peut s'y baigner sans crainte toute l'année.

Ces eaux transportées conservent presque toute leur vertu ; les fiévreux en prennent souvent et guérissent promptement de leur maladie.

Un jeune homme de Bordeaux atteint de vices scrofuleux bien caractérisés par de grosses glandes et des ulcères vint pendant un mois faire usage de ces eaux en boisson, bains et douches. Il se retira avec ses glandes dissoutes et ses ulcères cicatrisés ; un mois après son retour à Bordeaux, un de ses anciens ulcères guéri s'étant ouvert par quelque accident, il employa en douche sur la partie affectée une des bouteilles de l'eau qu'il avait eu la précaution d'emporter ; sa plaie guérit.

L'établissement est formé d'une construction qui renferme la fontaine pour la buvette et de deux chambres à cheminées sur le haut pour servir de logements.

De cette fontaine et pour servir l'établissement de bains, il a été pratiqué un canal ouvert par où coule l'eau qui approvisionne un bassin de près de 900 pieds cubes. Une chaudière qui contient 12 pieds cubes sert à chauffer l'eau nécessaire aux bains et aux douches, alimentant six baignoires et 3 cabines de douche ; une grande salle ; 4 chambres à coucher avec cheminées ; un corridor, une cuisine, une latrine une galerie faisant face à l'est.

En dessous se trouve un réservoir, le fourneau, la chaudière et les trois cabinets à douche ; il existe un passage du midi au nord pour communiquer aux bains qui comprennent 8 grandes cabines ne renfermant que six baignoires dont 4 en marbre et deux en pierre tuf ; ces cabines ont été disposées de manière à pouvoir contenir 16 baignoires ; enfin une grande écurie avec remise.

Ces eaux ne sont guère fréquentées que par 3 ou 400 malades par an qui en font usage en boissons, bains et douches ; les guérisons radicales s'y multiplient et jamais personne n'a eu à se plaindre d'aucun mauvais effet.

L'établissement est à 500 toises de la ville de Bassoues.

Ces eaux ne sont pas très fréquentées en raison de ce qu'aucune auberge importante ne s'est établie dans le voisinage.

Mais avec un peu de réclame des logements seraient bientôt établis pour 100 étrangers qui aimeraient la commodité de la vie et qui seraient en état de faire des dépenses tandis que 3 ou 400 autres personnes qui ne seraient venues que pour recouvrer la santé à petit frais trouveraient des logements chez les aubergistes ou chez des habitants du lieu.

L'établissement est disposé de manière à recevoir de grandes augmentations.

C'était dans ce but que le propriétaire fondateur travaillait mais les temps désastreux l'arrêtèrent ; ses revers lui ont enlevé les moyens d'exécuter son œuvre. Le Gouvernement pourrait venir à son secours, l'Etat et l'humanité y trouveraient leur bénéfice.

Les habitants de Bassoues avaient composé une chanson sur la découverte des eaux minérales spiritueuses de Bassoues dont voici un extrait :

« L'on voit avec grande affluence

Les gens venir de toute part,

Puiser, boire avec confiance,

Les Eaux connnues par hazard ;

Spiritueuses,

Si précieuses

Que, pour rétablir la santé,

La pharmacie

Ni la Chimie,

N'ont rien d'égal à leur bonté »

Le 24 fructidor an 12 le sous-préfet de Mirande répondant à une demande de renseignement du préfet du Gers sur l'état, le nombre, les dispositions morales et les opinions des personnes qui fréquentaient les eaux de Bassoues lui adressait une lettre.

Il y explique que « les eaux de Bassoues n'ont pas acquis cette célébrité qui attire tant de monde dans d'autres lieux, elles ne sont guère connues que des habitants de Bassoues et de quelques communes environnantes ; aussi n'y voit-on que quelques paysans ou tout au plus quelques bourgeois du canton dont les dispositions morales et les opinions politiques n'ont rien de dangereux pour la tranquillité de l'Empire ; la culture de leurs champs, leurs récoltes, les prix des denrées, leurs affaires particulières les occupent plus que les affaires de l'Etat ; ce n'est pas à Bassoues, lieu triste et presque inconnu, que des agitateurs, les mécontents et les boudeurs se rendront pour brasser des complots... »

Depuis cette époque, l'histoire reste muette sur les eaux minérales de Bassoues.

Cependant en 1849, le sieur Coutens, propriétaire de l'établissement, se plaignit au préfet pour lui faire connaître que le sieur Gérard, entrepreneur du chemin de grande communication N°1 causait un préjudice considérable à sa source d'eau minérale en extrayant de la pierre au rocher de Lahorte, lieu d'où elle sort ; le préfet donna l'ordre de suspendre les travaux d'extraction et demanda au propriétaire de régulariser sa situation vis-à-vis de l'État en faisant analyser ces eaux par l'Académie de médecine afin de connaître absolument leurs propriétés.

Monsieur Coutens prétendit que les eaux avaient été analysées antérieurement à la révolution et reconnues efficaces. Le préfet répondit que l'analyse n'était pas officielle et par conséquent non reconnu par l'État. La chronique ne dit pas si elles ont subi le deuxième examen.

 

Pierre DUPOUY d'après un texte de M.Miègeville paru dans le Bulletin de la Société Archéologique du Gers, 2e trimestre 1921



 

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