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François Macé, notre photographe-collaborateur, neo-gersois, est un Normand d'origine, qui plus est passionné de Jeeps.
Il ne pouvait passer sous silence l'anniversaire du D-Day et de la bataille de Normandie !
Voici son témoignage illustré des photos de Christophe Loizon, un autre passionné de Jeeps !
"Habituellement, ce sont mes photos que vous voyez dans le Journal du Gers. Parfois un rédacteur apporte son témoignage. C'est mon tour.
J'aime bien les Jeep et je passe souvent du temps avec les passionnés du Jeep Club d'Artagnan.
Est-on un va-t-en guerre lorsqu' on aime les Jeep ? Je peux répondre par la négative. Les amoureux des Jeep sont avant tout des historiens de la mécanique.
La Jeep a connu de nombreuses livrées y compris de véhicules du tour de France !
Mais la plus célèbre est celle qu'elle portait sur les plages du débarquement de Normandie.
Cette voiture est un hybride entre le tracteur agricole et une voiture des années trente. Le mot confort est absent dans la description. Les essuies-glace électriques y sont apparus tardivement. Les premiers étaient d'un fonctionnement curieux, plus l'on roulait vite moins ils étaient efficaces. Le chauffage existe mais uniquement sous les pieds du passager qui était bien souvent un officier.
Omaha Beach
J'ai grandi en Normandie dans les années 60 et 70 et les blockhaus étaient encore nombreux et accessibles aux enfants. Nous y jouions à la guerre inspirés par les films d'alors diffusés à la télévision le dimanche soir, une autre époque, nous avions des mitraillettes en bois rapidement confectionnées.
On arrivait à se procurer des revolvers en plastique chez les camelots du marché.
Le blockhaus rappelait alors de mauvais souvenirs à ma grand-mère et à ma mère.
J'ai étudié cette période pour le compte d'un journal aéronautique dont j'ai été le rédacteur en chef. Je me suis rendu sur les sites des commémorations et j'ai rencontré des vétérans. Ils étaient tous marqués à vie par cette expérience. Celui qui m'a le plus marqué est ce vieil Anglais qui était le seul survivant de son chaland de débarquement. Il y est resté à plat ventre toute la journée du 6 juin tant il était terrorisé. Un autre était un pilote américain qui s'est planté dans une branche d'arbre tellement il volait bas. C'était en 1943. Il finit dissimulé dans une ferme et passa le reste du temps avec une vieille chemise et un béret à vendre des poulets aux soldats allemands qui l'ont cherché un moment. Ce dernier a invité au fil du temps tout le village aux US pour remercier ses habitants de l'avoir caché. Quand ses compatriotes l'ont retrouvé et lui ont indiqué qu'il allait rentrer, ce dernier n'était pas certain que cela soit une bonne nouvelle !
Souvenirs D-Day
Christophe Loizon est passionné de Jeep militaires. Chaque année, il se rend avec sa famille sur les plages du débarquement près de Caen qui ont vu l'arrivée des soldats américains. Nous lui devons les jolis clichés de ces commémorations.
Aujourd'hui, les commémorations sont entre kermesse et cérémonies religieuses pour les soldats morts. Bien souvent, le temps ayant passé, les minutes de recueillement sont à destination des soldats des deux camps. Il faut rappeler que la guerre cela sent le brûlé et bien d'autres odeurs nauséabondes.
Aujourd'hui, les plages du débarquement sentent le poulet rôti et les frites et parfois on a la chance d'entendre un concert improvisé de cornemuses « bigpipes ». Si les autorités se donnent beaucoup de mal à organiser des festivités, celles qui sont spontanées comme des défilés de véhicules anciens militaires sont appréciées des badauds.
Défilé avec Harley Davidson
Comment cela a-t-il commencé ?
Lors des premiers parachutages dans la région de Ste Mère l'Eglise, le bruit à couru rapidement « Les Américains arrivent ». Les Allemands étaient encore partout.
Les tirs allemands ont tué de nombreux soldats américains et blessé de nombreux autres. Le danger venait surtout des marais qui avaient été inondés et parsemés de pièges divers pour nuire aux parachutages. Les parachutistes étaient en surcharge concernant l'équipement.
Rapidement, de nombreux soldats frappent aux portes pour avoir de l'aide ou des informations. C'était la confusion.
Des amitiés se sont nouées avec les gens du village. Les moments avaient été dramatiques. Certains se sont retrouvés employés de pompes-funèbres, d'autres se sont improvisés infirmiers pour seconder les vrais de l'armée américaine. Ces quelques jours et nuits ont marqué les existences. Les soldats devaient partir pour avancer vers le bocage et vers la ville de Falaise. L'idée de fond était de foncer sur l'Allemagne. Pendant ce temps-là les Russes menaient une opération engageant 4 millions d'hommes ce qui a neutralisé les possibilités de réaction de l'Etat major allemand. Néanmoins, ce ne fut pas une promenade de santé, les combats furent longs et meurtriers.
Devant une ambulance
En partant, les soldats ont salué leurs hôtes improvisés. Il faut garder à l'esprit que la plupart des habitants furent des supplétifs spontanés et jamais recensés de l'armée américaine, tant que les services rendus furent nombreux. Les soldats jurèrent : « Nous reviendrons »
Il a fallu attendre les années 60 pour revoir les premiers. Il faut comprendre. La plupart des soldats étaient ouvriers ou exerçaient de petits métiers. Ils étaient tous volontaires et savaient où ils mettaient les pieds. Une vingtaine d'années cela donne le temps de se poser dans la vie et d'avoir une famille.
Souvenir devant un char Sherman
L'idée d'un musée est née pour rappeler aux générations futures l'amitié qui liait le village à la 101ème et 82ème Airborn.
Peu à peu, les dons affluèrent pour le musée tant numéraires que des dons comme les uniformes portés soit par des anonymes soit par des officiers supérieurs.
Le film « La bataille d'Angleterre » a mis l'accent sur la préservation des derniers avions de cet époque. Beaucoup ont été sauvés depuis lors.
A la fin du conflit, l'Armée française était équipée de matériel américain qui était alors le meilleur. Dans les années 60, les militaires ont réclamé des Jeeps pour remplacer celles qui devenaient vieilles.C 'est à ce moment qu'il fut décidé de remettre en production 27 000 construites en France jusqu'en 1967. Aujourd'hui, certains les regrettent encore.
Au fil du temps, sont nés les « reconstitueurs ». Il ne paraissait pas concevable de reconstruire des véhicules militaires de cette époque sans avoir un minimum de costume allant avec le véhicule. C'était aussi un moyen de transmettre la mémoire. Un vétéran m'a confié avoir été pris en charge par un groupe de reconstitueurs qui portaient l'uniforme de son régiment. « J'avais oublié les années » m'avait-il confié.
Blindé léger ayant participé à la libération de Paris
Pour des raisons évidentes, du côté allemand, on tentait d'oublier cette période. Les solutions mécaniques reflètent la façon de penser d'un peuple et d'aborder les problèmes.
Dans les années 80, les Anglais tentaient de remettre en état des épaves d'avions allemands de cette époque. Ils faisaient venir d'Allemagne des mécaniciens habilités et surtout habitués. Lors d'un repas un collectionneur britannique a admis que les avions anglais sont faits pour les Anglais et les avions allemands sont faits pour les Allemands . C'est ainsi qu'un grand nombre d'épaves ont retrouvé le chemin de l'Allemagne à condition que leur nouveaux propriétaires les restaurent le plus soigneusement possible. Il en va de même de chars et de camions qui sont sortis de tourbières tant en Russie qu'en Pologne. C'est ainsi que les Cowboys retrouvent les Indiens, c'est tout de même l'idée.
Char en état de marche
La plupart des collectionneurs sont de grands enfants. Ils ont aujourd'hui 60 ans et ont commencé avec les Dinky-Toys qui étaient des véhicules miniatures très fidèles.
En grandissant, ils ont acquis les vrais. Deux Jeeps contre un camion c'est toujours d'actualité. Pour le char, cela dépend !
Les groupes de reconstitution sont aujourd'hui pris très aux sérieux car ils sont une aide mémorielle tant pour l'équipement que pour les traditions véhiculées par nos ancêtres.
Aujourd'hui, les commémorations oscillent entre faits historiques et légendes. Ce qui n'exclut pas les liens noués par les familles françaises et américaines qui perdurent de générations en générations.Au milieu de tout cela sont nées des amitiés entre soldats américains et soldats allemands qui ont duré le temps d'une vie."
Photo-titre : une ola du Sud-Ouest
Texte : François MACE
Crédit photos : Christophe Loizon
Silhouettes