Il fut un temps pas si lointain où la halle de Vic-Fezensac abritait le vendredi le marché à la volaille.
Le site est aujourd'hui occupé par le club taurin et la bodega des Vic'Kings et seuls les plus "anciens" se souviennent de son usage premier.
Revenons sur nos pas et transportons-nous un vendredi il y a quelques années.
Les autobus arrivent des villages voisins chargés sur leur toit de bruyants passagers, de la volaille de toutes sortes mais des lapins aussi.
Les chauffeurs descendent les cages et chaque vendeur récupère son bien.
Arrivent en même temps des paysans avec leurs fourgonnettes remplies de marchandise vivante, des dizaines d'oies, des lapins par vingtaines, des œufs aussi.
Pour pénétrer sous la halle, il faut attendre le coup de sifflet du chef de marché.
Les portes s'ouvrent et tout ce petit monde bien chargé s'engouffre sous la halle.
Chacun s'installe au mieux, on essaie de se mettre au soleil s'il ne fait pas très chaud, on choisit un bon emplacement sur le passage des volaillers.
Munis de leur sac de cuir, leur carnet avec crayon autour du cou, ceux-ci arrivent dès l'ouverture.
Ils achètent en gros pour fournir ensuite les commerces, boucheries, charcuteries, épiceries.
Quand ils font affaire, ils notent l'achat sur une feuille du carnet qu'ils donnent au vendeur : à lui d'amener la marchandise à la camionnette où une deuxième personne effectue le paiement, l'épouse du volailler le plus souvent.
Ils font d'abord un petit tour pour repérer la marchandise : « Ce n'est pas terrible aujourd'hui, ce n'est pas un grand marché...» maugrée l'un d'eux.
« Tiens, je vais essayer d'avoir ces cinq oies que je n'ai pas vues à la foire de Riguepeu l'autre jour. J'ai pourtant acheté des oies à cette personne » pense-t-il tout haut.
« Alors madame, vous avez porté les vieilles oies cette fois ?
- Pas du tout, ce sont les mêmes que celles de Riguepeu. Vous les aviez trouvées à votre convenance puisque vous me les avez achetées !
- Celles-ci sont beaucoup moins grasses ! Vous me faites un prix ?
- Ah non, c'est la même race. Elles ont juste un peu moins mangé et profité que les autres !"
Le volailler s'éloigne sans faire affaire.
Un peu plus loin, le volailler s'arrête devant un vendeur de poulets.
" Vous en avez des beaux poulets. Vous me les vendez à quel prix ?
- Comme d'habitude...
- Ah non, il faut me faire un prix, il m'en reste encore au poulailler.
- Bon, comme vous me prenez aussi des oies, je vais faire un effort."
Quelques mètres plus loin, un fermier attend derrière ses cages à lapins, de beaux lapins mais les volaillers ne s'arrêtent pas.
« Les gens ne mangent plus de lapin, se plaint le vendeur.
- C'est vrai, mon charcutier ne m'en prend plus, alors, je suis désolé mais je ne vais pas vous en prendre si je ne les vends pas !"
Les volaillers ne sont pas les seuls clients, on trouve aussi les particuliers pour qui la halle à la volaille est le passage obligé du marché du vendredi.
Quand ils achètent, c'est pour leur consommation personnelle.
L'un d'eux s'arrête devant une belle oie.
« C'est une oie de Toulouse ? demande-t-il au vendeur.
- Oui et il ne m'en reste plus qu'une, j'en ai vendu 12 hier ! Elles font des foies magnifiques qui avoisinent les 1 kilo ! Vous pouvez l'acheter en toute confiance. »
L'affaire est rapidement conclue.
En empochant la monnaie, le vendeur dit à son voisin : « Je l'ai bien vendue cette oie, figure-toi qu'elle traînait depuis un moment, elle ne mangeait plus, elle n'est pas des plus belles et je ne crois pas qu'il en tire un beau foie pour les fêtes de fin d'année !"
C'était cela aussi le marché à la volaille, du marchandage et quelques boniments pour vendre au mieux grâce à quelques mensonges !
" Oh des pigeons ! Ca c'est rare ici !
- Oui, moi, je viens du Lot et Garonne.
- Vous savez qu'ici on ne mange pas les pigeons, les gens les achètent pour les mettre dans leur jardin. »
Le volailler repasse devant la dame des oies de Riguepeu.
« Alors, vous me les vendez ces oies au prix que je vous ai proposé ?
- Allez, oui, marché conclu, j'en ai assez de les voir et je repartirai plus légère !
Le marché s'achève, les acheteurs se baladent avec leur volaille sous le bras ou les cages à la main.
Les régies arrivent pour tout nettoyer, enlever la paille, les crottes et rendre le lieu impeccable pour d'autres manifestations avant le retour du marché à la volaille le vendredi suivant.
Ces marchés ont peu à peu disparu quand les volaillers ont commencé à se déplacer de ferme en ferme pour faire leurs achats.
Pierre DUPOUY