Le Pimbat de Pléhaut par Guy Miquel

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La dernière  conférence de la section locale de la société archéologique, mercredi 21 février, avait pour sujet Les trois  « PIMBAT » de Vic Fezensac  et était animée par Guy Miquel.

Pour ceux qui n'auraient pu assister à sa conférence, Guy Miquel a accepté d'offrir aux lecteurs du Journal du Gers un résumé de son exposé.

Nous avons publié la première partie concernant le Pimbat-Cruzalet à retrouver ici : https://lejournaldugers.fr/article/73879-le-pimbat-de-barbazan-dit-pimbat-cruzalet-par-guy-miquel

Voici la deuxième partie de l'exposé : 

          Après le Pimbat Cruzalet, on va s’intéresser au second Pimbat situé au nord-ouest de Pléhaut, une très ancienne seigneurie dont les traces écrites remontent à 1167,( Francis Castex BSAG 1982), un château dit  « le Pimbat d’en haut » et sa métairie : « le Pimbat d’en bas » appelé autrefois Mauhic et qui fut  probablement une seigneurie avant d’être annexé au précédent.

          Ce château, entouré de terres roturières, donc soumises à l’impôt, dépendait de la paroisse de Léviac dont l’église aujourd’hui disparue s’élevait dans un frais vallon au levant de Lamouthe,  entre Marambat et  Saint-Paul de Baïse. Le château  était doté d’une chapelle privée ( Mme Dartigue, dernière propriétaire de la dynastie Pérès, la situe à l’entrée ouest). On y célébrait mariages et baptêmes pour les habitants du château alors que les  sépultures se déroulaient à Vic ou à Léviac. C’est le curé de Léviac qui enregistrait les actes sur son registre paroissial. Curieusement et malgré le site favorable, la seigneurie étant dépourvue de moulin à vent, il  fallait descendre au moulin du Comté sur la Baïse par un chemin privé qui longeait la rive gauche du ruisseau du Caillou.

          Les archives dévoilent quelques noms des familles propriétaires  du Pimbat. Laplagne-Barrissignale un noble Jean Cotin, sieur du Pimbat qui achète diverses terres près de Pléhaut aux sœurs Bertrande et Marguerite de Mauhicle 19 octobre 1582, (acte retenu par Loubère notaire à Saint-Paul). ( Cette information laisse supposer que le Mauhic a dû être  une seigneurie indépendante). Le 9 novembre 1612, demoiselle de Saint Gresse, veuve de Jean Cotin, sieur du Pimbat, signe un bail d’afferme pour la métairie du Mauhic.

          Le 30 octobre 161,  Blaize de Grisonis est déclaré seigneur du Pimbat quand il épouse une damoiselle de Lavardac. L’acte est  passé devant un notaire royal au château de Lagardère, propriété  de Pierre de Lavardac  père de la mariée.

          Par héritage, le Pimbat passe à la branche de Caumort des  Pardaillan-Gondrin issus de Beaucaire, une des quatre grandes familles de Gascogne que l’on rencontre dans l’histoire de France, dans la littérature et le cinéma. Un Pardaillan a été seigneur de  Saint-Jean-Poutge de 1610 et 1720, on en trouve à Bonas, Séailles, Caillavet, Lupiac… et même à Versailles aux 17e et 18e siècles avec le marquis de Montespan et ses descendants les ducs d’Antin.

          Le 2 décembre 1673, Antoine de Pardaillan, seigneur de Las et de Granchet,  marié avec Diane de Barbotan depuis le 5 février1614,  se rend   au Pimbat  pour signer comme il est de coutume au domicile de la promise, l’acte de mariage de son fils  Jean de Saint Orens, sgr de Gondrin avec  Perrine de Grisonis, fille ou petite fille du précédent (acte retenu par Me Barrau notaire à Marambat). Ancien capitaine d’infanterie, ce Jean de Saint-Orens se retire au Pimbat où il rédige son testament le 7 novembre 1702 et meurt l’année suivante à l’âge de 80 ans. Son fils Bertrand reçoit la seigneurie par droit d’aînesse tandis que le cadet François, chef d’escadre, meurt au combat contre les Anglais en 1729.

          Le 2 décembre 1709, Bertrand (1674 -1751) épouse Marie-Anne de Saint-Pierre de Porté (acte passé au château du Pimbat, devant Me Lanafoert notaire à Plaisance).

          Huit de leurs nombreux enfants  atteindront l’âge adulte et six feront une belle carrière ou de beaux mariages, une belle réussite pour de modestes hobereaux gascons. Son décès en 1751 donne lieu à une cérémonie grandiose et une inhumation dans l’église Saint-Pierre de Vic  près du portail principal. Vital né en 1718, lieutenant de vaisseau, meurt au combat contre les Anglais devant Cadix en 1741. Joseph né en 1727,  épouse Anne de Ferragut, en 1769, héritière des châteaux de Pujos et Gignan en Lupiac lui apporte en dot, 300 hectares de belles terres, Françoise née en 1729, épouse en 1752 Jean Marie Bertin de La Coste sgr de Lupiac, Félice née en 1731 sera abbesse de Nonenque en Rouergue de 1761 à la  Révolution, Jeanne-Marie née en 1733 épouse en 1761 Jean-Pierre d’Alingrin-Falgous. capitaine de cavalerie, chevalier de l’ordre royal du Saint Esprit  à Millau.

           Enfin, Pierre,  le dernier de la fratrie, né en 1734. Son père avait 60 ans. Le parcours de ce dernier, un vrai Gascon, par la taille, 1,60m (5 pieds 3 pouces),au caractère rageur qui le met souvent en conflit avec ses supérieurs, mérite qu’on s’y attarde. Il s’engage très tôt dans un régime d’infanterie, le Royal de Vaisseaux,  sous les ordres d’Anne-Pierre de Montesquiou.  Il connait un avancement rapide : lieutenant à 22 ans, capitaine à 26 et colonel en 1770 à 36 ans.

          Le 16 février 1774, il épouse, à Paris, Madeleine de Vézien (1754-1830), une riche héritière de plantations de cannes à sucre à Saint Domingue qui lui apporte une dot de 120 000 livres, et 6 000 livres de rente annuelle à perpétuité. Le roi Louis XV, le dauphin, futur Louis XVI et la toute jeune Marie-Antoinette signent son contrat de mariage. Quel honneur pour ce petit Gascon du Pimbat !

          En 1776, Louis XVI lui offre le titre de Comte,  le brevet de colonel dans le régiment de Chartres et un sous-commandement au sud de Saint-Domingue. En 1780, il rentre en France où il devient premier écuyer du richissime duc de Penthièvre, descendant d’un fils bâtard légitimé de Louis XIV. En 1786 il  est officier du Grand Orient ( Francis Castex BSAG 1982). En 1788, il est élevé au grade de Maréchal de camp.

          À la Révolution, ce fervent royaliste n’émigre pas. Il réside à Vernon sur Seine mais en 1792, il est porté émigré en Gironde pour  son absence près  des salines qu’il possède à Audenge.  Ses biens sont séquestrés,  il est même privé de sa pension d’ancien militaire. Après de multiples réclamations, il sera rayé de la liste des émigrés en 1798. En 1800, on le retrouve à Altona, près de Hambourg, où il assiste au mariage de sa fille unique Victoire, qui, elle, a émigré, avec le marquis de Bailly.

          En 1814, pendant la première Restauration, il habite15 rue Saint-Louis à Versailles à proximité du domicile de sa fille et de son gendre qui logent au 27 de la même rue.  Louis XVIII et le maréchal Soult lui décernent le grade de lieutenant général, au château des Tuileries,pour service rendu à la royauté.Il a 81 ans ! En 1815, il revient dans sa Gascogne natale où il meurt chez sa sœur Françoise, au château de Lacoste à Lupiac.Certains historiens pensent que, ce fervent soutien de Louis XVIII,  a prudemment quitté Paris au retour de napoléon de l’île d’Elbe pour les cent jours.

Les deux Pimbat cadastre napoléonien 

Revenons à la seigneurie du Pimbat.

          La fratrie Pardaillan s’étant dispersée, les deux aînés, Joseph et Jean-Pierre, vendent l’héritage familial : le château, la métairie et les terres une trentaine d’hectares, à Raymond Lasserre, négociant à Pléhot pour la modique somme de quinze mille livres (acte passé le 9 juillet1768 par Me Gaultier, notaire à Vic). À titre de comparaison, la seigneurie voisine de Pléhot, un château, et trois métairies sur 130 hectares, se vendra 82 400 livres vingt ans plus tard.

          Le cadastre napoléonien de 1836 donne un aperçu de ce château qui, au XVIII° siècle, pouvait loger les nombreux enfants,la multitude de serviteurs de Bertrand de Pardaillan qui y réunissait parfois la noblesse des environs .

          Les nouveaux propriétaires du Pimbat, Raymond Lasserre (1720-1803)et son épouse Anne Perrussan, (1734-18O9) s’installent au château . Ils connaitront des débuts difficiles.

          En 1789, l’Assemblée Constituante vote une Contribution patriotique pour régler un arrérage de la dette léguée par la royauté. Raymond Lasserre sera taxé de 200 livres pour rectifier une déclaration notoirement« infidèle ».

          Le 10 messidor an 8, (29 juin1800), le couple Lasserre assiste à Vic, (n°178 état civil de Vic site AD 32) au mariage de leur fille aînée Magdeleine avec Bernard Pérès, 38 ans, propriétaire au Brouilh. La seconde fille Anne épouse, le 2 mai 1806, Bernard Lissagaray, 38 ans, agriculteur à Barbazan. Sur le  certificat de mariage, on lit « Anne Lasserre du Pimbat ». L’’historien vicois Zacharie Baqué a cru qu’il s’agissait du Pimbat Cruzalet et non du Pimbat qui nous occupe BSAG 1948). Erreur souvent reprise encore de nos jours.

          Le couple, Bernard Pérès (1762-1837) -MagdeleineLasserre s’installe au Pimbat où naissent trois garçons : Jean-Baptiste, le 21 germinal an 9 (1801), Bernard  le 27 mai 1807).et Jean-Marie le 19 septembre 1808.

          Rapidement le domaine prospère. En 1840,  il couvre sur Vic, Saint-Paul de Baïse et Pléhaut une centaine d’hectares : terres arables, vignes sur les « arréjadés »(en Gascon : versant ensoleillé, le soulan de Pyrénées ou l’adret de Alpes), prairies en bord de Baïse et de vastes bois dont certains ont échappé aux déboisements successifs, (matrices cadastrales de 1840).  Les Pérès sont assistés par des ouvriers agricoles « les domestiques » et une famille de bordiers

          Au décès de l’aïeul Bernard Pérès, le benjamin Jean-Marie s’installe à Vic comme négociant. Le premier février 1847, il épouse une demoiselle Marie Réchou, tandis que ses deux aînés et leurs familles poursuivent leur cohibition au Pimbat.

          Dès lors, la  famille connaît une certaine aisance.En 1832, le fils aîné Jean-Baptiste a épousé Marie-Cécile Lasserre (1818-1885) née à Jégun. Ils auront  trois garçons : Bernard, Armand , Jean-André et Lucien. Le second Bernard a épousé Alexandrine Bergès(1807 -1884) née à Saint-Arailles. Victor-Bernard (1840 -1914), leur unique enfant, naîtra au Pimbat. (Il est intéressant de noter que les deux jeunes couples savent signer leur nom sur l’acte de mariage  !)

          Au levant du plateau, le vieux manoir devenu trop vétuste est transformé en une belle maison en forme de L dont la vue s’ouvre sur la vallée de la Baïse jusqu’aux Pyrénées. Dès lors chaque couple dispose ainsi d’un logement indépendant

          Les recenseurs de 1846 et 1851, relève au Pimbat : deux familles Pérès et leurs domestiques et une famille de métayers  les Laberenne, Laffargue, Laclaverie et au Pimbat d’en bas « Mauhic » une famille de métayers les Idrac.  Au total,  26  personnes vivent  sur le site

La salle de Pimbat 1836

Séparation des deux Pimbat

          Vers la fin des année 1850 et pour des raisons  familiales que l’on peut deviner, les deux familles se séparent. La  branche cadette de Bernard reste au Pimbat d’en haut avec un fermier et 8 employés. Le 13 avril 1873, Victor-Bernard, le fils unique se marie à Mourède chez sa promise, Magdeleine Agut, 19 ans, fille du maire de l’endroit.Leurs quatre enfants Alexandre, Bernard en 1874, Bernard, Charles en 1876, Armandine en 1878 et André en 1881 verront le jour au Pimbat.

          Dès lors, la propriété semble réduire son train de vie. En 1872, on recense encore une famille de fermiers et 3 employés mais en 1876, les parents sont âgés, il y a quatre enfants à nourrir, les Pérès ne conservent plus que deux domestiques et une servante.

          En 1884, au décès de ses parents, Victor-Bernard poursuit l’exploitation de la propriété...À son décès le 3 août 1914, le fils aîné Alexandre, resté célibataire, lui succède. Il sera le dernier propriétaire exploitant direct de la propriété qu’il gérera jusqu’à son décès avec 3 ou 4 employés dont une famille d’Espagnols pendant la guerre 39-45. Le Pimbat conservera un certain prestige, pour le voisinage,il sera « Monsieur Alexandre ». Bernard Charles deviendra notaire, Armandine épousera Louis Marcelin Lacaze, André, pharmacien. En 1911, il ouvre une officine à Vic, place Julie Saint-Avit (ancienne Place Nationale). Son fils Jean lui succède jusqu’en1979 puis ses petits-enfants Bernard et Anne-Marie jusqu’à une date récente.

Quant au Pimbat, il sera habité par des familles de métayers puis abandonné avant de devenir une résidence secondaire parfaitement entrevue et sauvée 

Le Mauhic ou Pimbat d’en bas : nouvelle construction

          Pendant ce temps, le frère aîné, Jean-Baptiste et son épouse étaient descendus au Pimbat d’en bas, (le Mauhic) avec leurs trois fils. Ils font construire une maison digne de leur standing, orientée plein sud, parallèle au chemin, avec vue sur les Pyrénées et réservent la vieille métairie, perpendiculaire au chemin de Vic à Pléhaut pour les nombreux ouvriers agricoles

L’aîné Bernard, Armand, est géomètre, à ce titre, il signe le plan  d’échange du futur abreuvoir de Pléhaut lors de l’achat du terrain par la mairie de Saint-Jean-Poutge, Après le décès de sa mère et son mariage avec Marie Auxion, il s’installe à Roquebrune, comme chef de montage. C’est là que naîtra sa fille Marthe, dernière propriétaire du Pimbat d’en bas.

          Son frère, Jean-André, resté célibataire, exploitera la propriété qu’il agrandira en achetant de nombreuses parcelles aux Salle-Estradère du château de Pléhaut. Il travaillera avec l’aide de 3 à 6 « domestiques » et employés de maison qui logent à la ferme.

          À la mort de Jean-André Pérès en 1912, sa nièce, Marthe Pérès, née à Roquebrune, fille de son frère aîné, le géomètre Bernard Pérès, hérite du Pimbat d’en bas. Elle y habitera jusqu’à son décès à l’hôpital d’Auch le 2 mars 1977. Celle que l’on nommait « la demoiselle du Pimbat » vivra une existence discrète, entourée d’un halo de mystère. Ses terres seront exploitées, tout d’abord par des ouvriers d’origine espagnole puis par une succession de familles de métayers qui logeaient dans l’antique ferme du Mauhic. Les derniers en date, les Concil, un couple d’origine italienne, y vivra longtemps avec leurs trois filles Maria, Odette et Simone qui fréquentaient l’école et la paroisse de Pléhaut.

          Après le décès de la vieille demoiselle et, jusqu’à son achat par la famille Montieux, la maison fut honteusement pillée. Outre le vol des meubles et objets de valeur, on doit surtout déplorer la disparition et la dispersion de nombreux et précieux documents d’archives sur l’histoire des deux Pimbat. Le vieux bâtiment s’est écroulé mais la maison du 19ème restaurée et sauvée, est désormais habitée.

Exposé de Guy Miquel 

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