Réunis en congrès le 3 novembre à Aignan, les membres de l'Association inter-cantonale des retraités agricoles du Gers (Aicra 32) expriment avec vigueur et parfois avec véhémence leurs revendications. En présence de nombreuses personnalités et autorités (1). À noter l'indignation des participants à cause de l'absence du préfet ou de son représentant. Indignation exprimée haut et fort par Pierre Esquerré, ancien président de l'Aicra 32. Bernard Pis, président actuel, ajoute que depuis 26 ans d'existence de l'association, le préfet n'est venu qu'une fois au congrès.
Le programme comprend notamment :
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l'accueil par Gérard Pérès, maire d'Aignan,
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le rapport d'activités par Josyane Maritan, secrétaire générale,,
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le rapport financier de Jean-Paul Bessagnet, trésorier (dont cet article ne rend pas compte),
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le rapport sur la condition féminine par Paulette Gangi, vice-présidente,
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le rapport social par Pierre Guichanné, vice-président,
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le rapport moral par Bernard Pis, président d'Aicra 32.
Interventions auxquelles s'ajoutent celle du président national, Roger Treneule, d'Andrée Guillou, présidente nationale de la Commission féminine, ainsi que celles des parlementaires et celles de la salle.
Avant le début de la séance, une vidéo est projetée, qui rappelle les revendications de l'Aicra 32.
Rapport d'activités
Josyane Maritan énumère les différentes réunions cantonales, celles du bureau et du conseil d'administration : les discussions avec Mutualia pour une nouvelle convention, la préparation du Congrès régional du 9 juin à Condom. Outre cela, l'Aicra 32 s'est fortement impliquée dans les problèmes :
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du coût de la vie,
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de la santé et des déserts médicaux,
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des Ehpads,
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de la dématérialisation des dossiers,
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de l'augmentation du foncier.
Rapport sur la condition féminine
Paulette Cangi note que le travail des femmes d'agriculteurs, qui « a largement nourri la population avec une alimentation saine et des produits de qualité, a toujours été méprisé, car il n'a pas été rémunéré à son juste prix ».
Elle ajoute : « En élevant les enfants, elles ont aussi soigné ceux que l'on appelait « les vieux » ; ces derniers non plus, n'ont rien coûté à la société, alors que ces femmes leur ont prodigué soins et attentions sans jamais avoir la moindre aide ni aucun soutien de la part du gouvernement ».
Beaucoup d'entre elles se privent et se tournent vers les Restos du cœur, car elles ont une pension d'environ 650 euros.
Elle raconte une anecdote : une femme de 80 ans, touchant une retraite de 600 euros, s'est fait dire par un employé de banque, qu'elle devait économiser...
Elle poursuit : à quoi ont servi les sacrifices de toute une vie quand les services publics ferment les uns après les autres et que l'on se retrouve dans un « désert médical » ?. Quant aux loisirs, les clubs du 3e âge limitent les excursions à cause du coût du carburant.
Conclusion : il n'est pas question de baisser les bras devant ce chaos ! « On a mérité, et les femmes d'agriculteurs en particulier, de finir notre vie dignement et tranquillement ».
Rapport social
Pierre Guichanné adjure les membres d'Aicra 32 de ne pas baisser les bras, même si « nous, retraités agricoles, nous sommes conscients d'être carrément et volontairement oubliés ». On a « la flagrante impression d'être les laissés pour compte de la société, les vieux ! »
Économiser, nous l'avons fait toute notre vie, « mais aujourd'hui, c'est différent : c'est se priver, faire des choix dans tous les domaines : alimentation, santé, confort et que dire des sorties loisirs ».
Les décideurs avaient pourtant promis : pas de retraite en dessous du Smic !
L'actualité ne parle que des problèmes à la mode : les punaises de lit, les harceleurs, les radicalisés « et malheureusement, des guerres atroces qui perdurent ». Il n'y a pas de place pour dénoncer et taxer ceux qui en profitent pour porter atteinte à notre pouvoir d'achat (grande distribution, fournisseurs d'énergie, grandes firmes pharmaceutiques) « qui font de grands profits en toute conscience et profitent du quoi qu'il en coûte ».
Pierre Guichanné s'élève aussi contre les restes à charge en médecine, « qui sont des atteintes à la dignité humaine ».
Il pose 3 questions :
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Quand la MSA relèvera-t-elle les plafonds de ressources qui déterminent l'éligibilité aux aides et exonérations ?
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Quand prendra-t-on de vraies décisions sur les déserts médicaux ?
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Quand le maintien et la création de services atteindront-ils la ruralité ?
Et il déplore que le traitement en ligne ne soit pas évident.
Bref, « Citons Coluche : dites-moi ce dont vous avez besoin et je vous dirai comment vous en passer ! »
Rapport moral
Bernard Pis commence par rappeler que l'Aicra 32 et l'ANRAF ont manifesté contre la réforme des retraites. Cette réforme met en place un recul progressif à 64 ans de l'âge légal de la retraite et une durée de cotisation de 43 ans.
Ce qui signifie que pour bénéficier d'une retraite de 1 200 euros, soit 85 % du Smic (loi Chassaigne 1), il faut avoir cotisé 43 ans avec des revenus proches du Smic. Cela exclut donc les carrières incomplètes et surtout celles des agricultrices.
L'Aicra 32 et l'ANRAF ont mené et continueront à mener les revendications légitimes.
Il faut sensibiliser l'opinion sur les difficultés de la vie des retraités agricoles :
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sur le pouvoir d'achat : 7 % des agriculteurs du Gers ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté ; l'impact des hausses de prix sont d'autant plus important que les retraites sont petites,
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sur la désertification médicale : « nous sommes tous égaux face aux cotisations sociales pour avoir un accès égal aux soins » alors que 13 % des Gersois n'ont pas de médecin traitant ; pourquoi ne pas empêcher les médecins d'exercer n'importe où ? « La France n'a jamais compté autant de médecins – preuve que les déserts médicaux sont avant tout un problème de répartition »,
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la dématérialisation des services : c'est peut-être un avantage pour certains, mais pas pour les retraités agricoles ; elle entraîne trois risques : que les services se déshumanisent, que le parcours sur Internet soit mal conçu et trop complexe, que les usagers soient encore plus éloignés des services.
Enfin, le président donne lecture de la motion de l'ANRAF, mise à jour, qui reprend toutes les revendications.
Autres interventions
Pour Roger Treneule, le président de l'ANRAF, la parité des retraites hommes-femmes est la priorité. Il espère une loi Chassaigne 3, qui améliorera les choses, si elle est votée au Parlement au printemps 2024.
Andrée Guillou, présidente de la commission féminine de l'ANRAF, insiste sur la nécessaire revalorisation des pensions des agricultrices et sur celle des pensions de reversion.
Les parlementaires déclarent qu'ils soutiennent les combats de l'Aicra 32. David Taupiac souligne que c'est l'Ordre des médecins qui bloque la répartition obligatoire.
La vice-présidente de l'association des maires du Gers souhaite un rapprochement entre les maires et l'Aicra 32, comme Bernard Pis.
Un représentant du Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), très revendicatif, demande que l'Aicra 32 se rapproche des syndicats. Et il demande comment les retraités agricoles pourront acheter des voitures électriques, qui sont beaucoup plus chères que les voitures thermiques.
(1) Roger Treneule (président national de l'ANRAF- Association nationale des retraités agricoles de France ), Alain Duffourg (sénateur), David Taupiac (député), Yann Dubreuil (représentant le sénateur Franck Montaugé) et Éric Cadoré (conseiller départemental). Sans oublier Sylvie Theyé (vice-présidente de l'Association des maires du Gers), un responsable de la MSA et un responsable de Mutualia..