Foire de la Madeleine du 21 juillet 1944 à Montesquiou : une inquiétant incursion allemande restée mémorable
Dans la mémoire collective de Montesquiou, un évènement est souvent évoqué par les nouvelles générations tant il avait en son temps terrorisé la population. Mais, après huit décennies, les contours précis de la réalité se sont brouillés. A l’approche de la commémoration des 80 ans de la Libération en 2024, il convient de revenir, grâce au témoignage des archives, sur cet épisode en le replaçant dans son contexte précis.
Le 11 novembre 1942, les Allemands envahissent la zone sud et les Gersois découvrent alors avec inquiétude l’occupant casqué et botté puis ses complices français de la Milice cependant que la répression s’accroît en 1943 sur une Résistance qui se renforce et prépare l’insurrection du jour J.
Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent en Normandie : les maquis sont activés pour empêcher les troupes allemandes disséminées sur le territoire de remonter pour s’y opposer. Dès lors, les soldats allemands deviennent très agressifs face aux harcèlements et aux sabotages des Résistants, dans le Gers comme dans tout le pays (la première attaque gersoise de convoi allemand a eu lieu à Saint Maur le 8 juin, conduite par le bataillon astaracais Soulès). Après six semaines de ce régime d’insécurité, 800 allemands fort renseignés occupent Mirande le 19 juin et traquent le maquis de L’isle-de-Noé durant une semaine (bilan : trois maquisards mirandais sont fusillés - dont le chef - et un autre est déporté en camp de concentration).
Par ailleurs, une autre colonne allemande de répression va sillonner le Gers du 20 au 22 juillet 1944 sans chercher à s’attaquer aux maquis mais avec la volonté manifeste de terroriser la population par l’occupation brutale du terrain. Elle arrive par le Lot-et-Garonne où, le 20 juillet, elle a exécuté un résistant gersois d’Aignan de passage à Villeneuve-de-Mézin. A Montréal, on tue gratuitement un facteur. Le 21 juillet à Lagraulet, quatre maquisards en déplacement sont capturés, torturés puis exécutés le lendemain à Condom. En sortant, la colonne prend la direction de Valence-sur-Baïse et exécute gratuitement deux jeunes de 16 et 17 ans qui se rendaient au dépiquage.
La colonne allemande se scinde alors en deux éléments dont l’un inquiète Saint Jean-Poutge et Barran (dans cette dernière commune on fouille des maisons et on tire sur des basses-cours). Sur la route de Lannemezan, le carrefour de Compreste (sur l’axe Seissan-Mirande) est un moment tenu fermement puis cet élément passe la nuit à Seissan.
L’autre élément de la colonne a bifurqué vers Vic-Fézensac à Valence-sur-Baïse. Sur le trajet, il a incendié la ferme d’Alexandre Baurens, un dirigeant historique de la Résistance (les Allemands sont donc très bien renseignés). A Vic-Fézensac, on se livre à des visites domiciliaires puis on se dirige vers Montesquiou, jour de foire aux bovins de la Madeleine : l’arrivée puis le déploiement de la troupe dans ce chef-lieu de canton ce jour-là fort animé créent un mouvement de panique dans la foule sans faire cependant de victime.
L’effroi des montesquivais n’était cependant pas sans fondement : 7 mois avant, la Gestapo avait arrêté au lieu-dit Cadiran-de-Haut l’agriculteur et père de famille André Drancourt, un Résistant de la première heure du mouvement « Combat » (future Armée Secrète) qui mourra en déportation et la terrible tragédie du maquis de Meilhan (77 martyrs dont des otages) n’avait eu lieu que deux semaines auparavant avec un retentissement considérable.
Ces troupes allemandes auraient ensuite rejoint Toulouse via Saramon et Lombez le 22 juillet. Les populations des communes traversées auront été fortement impressionnées par ces violences délibérées, ce qui était le but visé. A Montesquiou, le souvenir en est imprimé à jamais dans les esprits.
Henri Calhiol