Suite à la publication dans nos colonnes du communiqué de l’association ABIVIA,- https://lejournaldugers.fr/article/46534-projet-dune-unite-de-methanisation-abivia-gers-communique- nous avons souhaité rencontrer la présidente et des membres de l’association créée en septembre 2020 pour mieux comprendre ce qu’elle dénonce depuis quelques mois.
Pour rappel, ABIVIA Gers est membre du Collectif National de Vigilance Méthanisation canal historique(CNVMch)
En fin d'article, un petit film qui présente en images le combat de l'association.
Echanges :
Journal du Gers : Vous vous élevez contre le projet d’une unité de méthanisation dans la vallée de l’Osse et du Lizet à proximité des habitations.
Pour les personnes qui ignorent ce qu’est la méthanisation, pouvez-vous nous donner une définition simple du procédé ?
ABIVIA: C’est un procédé chimique qui permet la décomposition de matières végétales, animales, boues de station d’épuration, huiles, graisses, déchets de collectivités, mais aussi de cultures de végétaux spécifiquement dédiées au méthaniseur.
Il en résulte 60% de méthane (CH4) et 40% de dioxyde de carbone (CO2) ainsi qu’un résidu appelé digestat dont on voudrait se débarrasser sur les terres, sans réelle connaissance de son impact environnemental. La méthanisation participe à l’effet de serre
Journal du Gers : Les profanes en la matière confondent souvent la méthanisation à grande échelle et la micro-méthanisation.
ABIVIA: La micro-méthanisation désigne de petites unités de production qui fonctionnent en circuit court, alimentées par des déchets vrais provenant de l’exploitation elle-même et qui assurent l’autonomie énergétique de la ferme, sans impact négatif sur l’environnement.
Il est important de préciser qu’ABIVIA ne s’oppose pas à ce type de méthanisation.
Journal du Gers : Pouvez-vous nous présenter le projet contre lequel vous vous élevez ?
ABIVIA: Nous ne pouvons pas nous montrer très précis à ce sujet dans la mesure où nous n’avons aucune nouvelle des porteurs de projet depuis octobre 2020, hormis un article dans la Dépêche.
A l’occasion d’une réunion présidée par Mme la Secrétaire Générale de la préfecture, en date du 4 janvier dernier, en présence de la Sous Préfète de Mirande, la DREAL (Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement) , la DDT (Direction Départementale des Territoires), le Maire de Montesquiou et son 1er Adjoint, il a été signifié aux porteurs du projet la nécessité de clarifier les éléments suscitant des interrogations vis-à-vis des riverains et de l’environnement auprès des deux conseils municipaux de Montesquiou et St Arailles.
Or, à ce jour, nous n’avons aucune information nouvelle de la part des porteurs de projet et ce depuis début octobre.
Ce que nous savons, c’est que la construction d’une coûteuse conduite de gaz surdimensionnée de 14 kms (subventionnée en partie) est prévue pour accéder au point de raccordement GRDF (Gaz Réseau Distribution France) ! Puis un maillage de 19.5 kms jusqu’à Auch. L’installation chiffrée à 10 millions d’euros sera soumise seulement à déclaration, en autocontrôle, avec un traitement d’environ 10 000 t de déchets pour commencer.
A ce jour, le permis de construire n’est pas encore déposé.
GRDF a annoncé 10 projets sur un rayon de 40 kms autour d’Auch, dans un premier temps.
Journal du Gers : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous vous opposez à ce projet ?
ABIVIA: Les motifs sont très nombreux.
Depuis que nous avons appris l’existence de ce projet, nous avons pris le temps de nous renseigner et ce que nous avons découvert est très inquiétant.
Notre premier motif d’opposition est le très mauvais choix du site, c’est également l’avis de plusieurs élus locaux de la vallée.
Il est en effet situé trop près des habitations avec ce que cette proximité implique comme risques pour les riverains.
Il sera dans une vallée ouverte, avec un habitat dispersé, sur le bassin versant de l’Osse, en amont de Vic Fezensac, à proximité de la zone Natura 2000, d’une zone inondable, et de sources à quelques dizaines de mètres en dessous du site.
La zone Natura 2000 a été patiemment élaborée en concertation avec éleveurs, agriculteurs et communes afin de protéger la précieuse biodiversité.
Rainette
La sortie du site se fera sur la D34 sur une ligne droite où les véhicules circulent vite et dont la plateforme est d’environ 5 m, ce qui entraînera des risques lors des croisements des semi-remorques, gros camions et tracteurs et une détérioration de la chaussée et des bas côtés dont la réfection incombera aux communes et au département, autant dire aux contribuables.
Le deuxième motif, ce sont les risques encourus par les riverains et les habitants de la vallée : risques sanitaires, environnementaux, pollution des sols, de l’air, de l’eau, des nappes phréatiques, des sources et de la rivière, odeurs nauséabondes jusqu’à plusieurs kilomètres.
La sécurité des habitants ne peut être garantie car l’unité est seulement soumise à déclaration et en auto contrôle, ce qui ouvre la porte à toutes les dérives.
Les témoignages des riverains dont la vie a été profondément gâchée, les accidents, trop nombreux, les dangers avérés sur la santé des populations, sur l’environnement, les alertes répétées de nombreux scientifiques, collectifs de riverains, d’associations pour l’environnement, d’associations de consommateurs, de syndicats agricoles, de la presse, devraient amener les autorités à refuser ce type d’installations au nom du principe de précaution pour protéger la population et les milieux naturels.
Troisième motif, si on prend en considération les graves problèmes de déficit hydrique et de qualité des eaux du bassin Adour Garonne, comment assurer un approvisionnement d’entre cultures (CIVE), de résidus de céréales, cannes de maïs pour alimenter suffisamment « le monstre » dans ces conditions ?
Et si on prend aussi en compte le changement climatique, une baisse des rendements annoncée sur le territoire, inéluctablement, il y aura concurrence entre les terres vivrières et les terres pour l’énergie.
Au nombre d’installations qu’on nous promet, il n’est pas difficile d’imaginer la concurrence entre méthaniseurs pour les alimenter.
Notre souveraineté alimentaire sera sacrifiée comme notre département.
Ce projet n’aura aucune retombée économique pour les communes, bien au contraire. Il ne sera rentable que grâce aux larges subventions publiques qui passeront du domaine public au domaine privé et il entraînera inévitablement la disparition de nos agriculteurs paysans.
Enfin, nous ne pouvons qu’être opposés à un projet que l’on veut nous imposer sans concertation, sans discussion possible, avec des personnes qui affirment que dans tous les cas, quel que soit l’avis de la population, elles feront quand même aboutir leur projet. Contraints par les maires concernés, les porteurs du projet avaient effectué des permanences début octobre.
Les arguments qu’ils ont présentés n’ont pas convaincu les différents auditoires et ne sont en aucun cas rassurants pour les populations et l’environnement – hormis le bénéfice financier pour quelques acteurs, 2 exploitants et une société.
Par exemple, la promesse de non augmentation de capacité n’offre aucune garantie si l’on se réfère à un des porteurs à Pellefigue, Méthagri32 qui est passé d environ 10 500 t de déchets traités à environ 17 500 t en l’espace de seulement quelques mois après sa mise en service.
Journal du Gers : Vous parlez d’accidents liés aux unités de méthanisation déjà existantes.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets ?
ABIVIA: Le site du CNVMch propose une carte des accidents liés à la méthanisation. Ils étaient au nombre de 164 l’été dernier, on en dénombre au moins 272 à ce jour. Tous ne sont pas déclarés, ce n’est pas une liste exhaustive.
Le 17 août 2020, dans le Finistère, 180 000 personnes sont privées d’eau suite au débordement d'une cuve digestat. Les effluents débordent, se rejettent dans un petit ruisseau avant de rejoindre l'Aulne.
Le 16 mars 2021, les habitants d‘Ussy-sur-Marne ont eu la désagréable surprise de se réveiller avec une forte odeur « d’œufs pourris et d’excréments », provoquant chez certains des maux de tête. La cause ? Un accident sérieux sur le site de méthanisation O’terres Énergies en activité et exploité par le Président de l’Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France !!
Le 17 mars 2021, plusieurs centaines de mètres cubes de digestat se sont déversés dans le lac de Lourden à Aire-sur-l’Adour en raison d’une fuite d’une cuve... Des prélèvements sont en cours.
Le 31 mars 2021, 2000 m³ de lisier, lisier stocké pour alimenter un méthaniseur, s’écoulent dans un ruisseau à la Mesnière (Perche) tuant tous les poissons sur 5 kilomètres…
Ou encore cette note de l’INRAE d’avril 2020 : “La mortalité de vers de terre retrouvés à la surface immédiatement après épandage de digestats de méthanisation est un phénomène qui pose question…“
On peut évoquer aussi la mortalité des abeilles à proximité des unités.
Ascalaphe
Journal du Gers : Quelles actions comptez-vous mener dans le futur ?
ABIVIA : Nous avons déjà commencé à informer la population par des tracts, dans la presse.
Nous avons alerté au cours d’entretiens, par des courriers, le Premier Ministre, M. Jean Castex, M. le Préfet, sénateurs, conseillers départementaux, les présidents des communautés de communautés concernées, les maires et conseillers municipaux de 26 communes sur la vallée.
Nous établirons un point 0, c'est-à-dire une base de références qui permettra d’avoir des informations précises sur l’état de santé de riverains, et aussi de l’eau, de l’air, des sols, et de la valeur immobilière à proximité du site.
Nous interpellerons les candidats aux départementales et régionales, les élus, afin qu’ils se positionnent pour ou contre la méthanisation.
Orchidées
Journal du Gers : Vous vous opposez à ce projet mais que proposez-vous à la place ?
ABIVIA : Il serait plus judicieux que les larges aides publiques allouées à un projet privé «industriel et financier » de 10 millions d’euros pour 2 agriculteurs et une société financière, soient mieux distribuées et destinées à un accompagnement des agriculteurs vers une agriculture durable, raisonnée, respectueuse de l’environnement, du vivant, et rémunératrice.
Nous demandons un moratoire avec des scientifiques, le CSNM (Comité Scientifique National Méthanisation Raisonnée) , le CNVMch (Collectif National de Vigilance Méthanisation canal historique), le GREFFE (Groupe scientifique de réflexion et d'information pour un développement durable) , les collectifs de riverains, des syndicats agricoles, des associations de protection de l’environnement, de consommateurs…
Nous souhaitons qu’aucune installation ne soit autorisée tant que des résultats d’études scientifiques indépendantes, complètes et validées n'ont pas démontré l’absence de risques sur la santé des populations, sur l’environnement et le vivant.
Les décideurs, les élus, les porteurs de projet, les financiers de ces structures ne peuvent plus dire qu’ils ne savaient pas, et devront se poser la question de leur responsabilité engagée auprès des populations et des générations futures…
Il faut noter que sur tout le territoire français, l’implantation d’unités du même type et de la même capacité engendre des problèmes tels que le Sénat a jugé nécessaire de mettre en place le 3 mars dernier une mission d’information impliquant 23 sénateurs sur "La méthanisation dans le mix énergétique : enjeux et impacts".
Cette mission a auditionné successivement les professionnels des énergies renouvelables, les représentants des industries gazières, les organisations syndicales agricoles, les professionnels de la recherche agronomique.
Ces auditions qui ont chacune duré 2 heures mettent en évidence qu’un grand nombre de questions posées par les unités de méthanisation et des inquiétudes qui en découlent restent sans réponses.
Le département du Gers devrait peut-être à l’instar du Sénat organiser une table ronde sur le même sujet pour informer les habitants sur les impacts de l’implantation de plusieurs dizaines d’unités de méthanisation au sein de « l’océan de nature », terme qui caractérise si bien ce merveilleux département…
Vallée de l'Osse Natura 2000
Contact :
https://www.facebook.com/ABIVIA-GERS-102112805030028
Pour soutenir l'action d'Abivia et l'expliciter, un film a été réalisé par Laurent Laîné avec la voix de Jean Fornerod. Vous pouvez le visionner en cliquant ci-dessous :
Non à la méthanisation collective dans la vallée de l’Osse et du Lizet
Une pétition pour s'opposer à ce projet sera bientôt disponible.
Pour plus d’infos sur la méthanisation :
https://www.facebook.com/CNVMchCSNM
https://www.facebook.com/Collectif-National-Vigilance-Méthanisation-canal-historique-112787543856463
Gazés sur un orchis pyramidal
Photos : Laurent Bessol qu'Abivia remercie pour sa contribution à illustrer notre "océan de nature"