L’espace culturel La Petite Pierre que nous vous avions présenté dans un précédent article - https://lejournaldugers.fr/article/46157-la-petite-pierre-la-culture-au-milieu-des-champs - est le partenaire culturel du lycée agricole Beaulieu-Lavacant d’Auch.
La chapelle de La Petite Pierre
Pendant une semaine, c’est une classe de terminale qui était en résidence dans ce lieu enchanteur pour préparer une création théâtrale sous la houlette de leur professeur d’Education Socio-Culturelle, Frédéric Rouzies, et de la compagnie professionnelle « A demain j’espère » du Doubs représentée par Olivia David-Thomas et Fabien Thomas.
Claire Garnier, Frédéric Rouzies, Olivia David-Thomas, Fabien Thomas
La restitution de ce projet financé par les ministères de la Culture (DRAC Occitanie) et de l’agriculture (DRAAF Occitanie) a eu lieu au lycée vendredi 2 avril.
Nous sommes allés lundi dernier à la rencontre de la troupe en résidence à La Petite Pierre et nous avons pu assister à une séance de travail collectif.
Echanges avec Frédéric Rouzies, Olivia David-Thomas et Fabien Thomas :
Journal du Gers : Frédéric Rouzies, vous êtes le porteur du projet, pouvez-vous vous présenter et nous expliquer votre travail ?
Frédéric Rouzies : Je suis professeur d’éducation socio-culturelle au lycée agricole Beaulieu-Lavacant, une discipline qui existe depuis plus de 50 ans mais que l’on ne trouve que dans les lycées agricoles.
On est à la fois professeur et animateur.
On a une partie face à face et une partie où l’on mène des projets en dehors des cours.
Nous proposons une éducation à l’image, aux médias. En fait, le contenu des « cours » s’adapte à la filière.
Par exemple, en seconde « service aux personnes et aux territoires », en temps « normal », nous menons des actions dans les Ehpad et les centres de loisirs ou ce sont les résidents ou les centres de loisirs qui viennent à nous de façon à ce que les élèves rencontrent les personnes avec lesquelles ils travailleront.
Cette année, dans une classe de seconde, nous travaillons sur les mémoires paysannes : des personnes qui ont vécu les transformations de l’agriculture ont été invitées à raconter cette évolution et nous en avons fait une émission de radio et une exposition.
En terminale, les élèves ont dans leur programme une partie éducation artistique, cinéma, danse, arts plastiques, théâtre...
D’ailleurs, c’est le support d’une épreuve du baccalauréat puisqu’ils doivent faire un retour sur l’expérience conduite.
On essaie dans ces classes de mener un projet en direction d’un public avec des intervenants extérieurs.
L’an passé, on avait préparé une comédie musicale que l’on n’a pas pu jouer en raison du confinement.
Il y a deux ans, nous avons présenté avec deux classes de première et de terminale le spectacle « No(s) Révolution(s) » en partenariat avec La Petite Pierre et la compagnie « A demain j’espère » que nous retrouvons aujourd’hui sur ce nouveau projet.
https://lejournaldugers.fr/article/33993-nos-revolutions-creation-theatrale-des-lyceens-de-lavacant
Journal du Gers : Comment s’est fait le lien avec la compagnie « A demain j’espère » ?
Fabien Thomas : Nous avions déjà eu un partenariat avec La Petite Pierre qui nous avait programmés dans le cadre du festival N’amasse pas mousse il y a 5 ans.
On a eu aussi un gros projet d’action culturelle qui avait pour objectif de révéler ce qui était « chouette » dans le secteur de la petite Pierre, la Zone Optimum de Bonheur. On en a fait un film « Le Bonheur est dans le Gers » que nous avons présenté de manière ludique.
https://lejournaldugers.fr/article/31679-zone-optimum-de-bonheur-a-la-petite-pierre
Il y a deux ans, il y a donc eu le projet « No(s) révolution(s) » avec les classes de Frédéric Rouzies.
En fait, on aime bien venir ici !
Olivia : C’est à peine plus beau chez nous ! (rires)
Frédéric Rouzies : Le lien se fait avec La Petite Pierre à qui je présente mon projet et qui m’oriente vers une compagnie.
Journal du Gers : Pouvez-vous nous parler du thème de la création cette année ?
Frédéric Rouzies : Ce qui m’intéresse dans la culture, c’est de la lier à la société.
L’oeuvre pour l’oeuvre, ce n’est pas ce qui m’intéresse.
Avec « No(s) Révolution(s) », le thème était les révolutions à l’oeuvre dans notre société, comment les jeunes vivent ces transformations...
L’idée est d’offrir la possibilité aux élèves de questionner ce sujet et de le transformer en spectacle.
Cette fois, c’est la société de surveillance que l’on questionne.
La science fiction avait imaginé à travers la figure de Big Brother créée par George Orwell la société de contrôle. Nous y sommes, reconnaissance faciale, caméra de surveillance, bracelet – capteur d’émotion, les trouvailles technologiques sont nombreuses. Nous vivons maintenant dans ce futur orwellien, d’où le titre du projet « Now Futur ».
On a réalisé en amont tout un travail en regardant des documentaires, des films, en travaillant sur des bandes dessinées….
Aujourd’hui, on réactive tout ce matériau pour créer un spectacle.
Journal du Gers : Le spectacle n’est donc pas écrit en amont ?
Olivia : Non, on l’écrit avec les élèves.
L’enjeu de ce type de projet, c’est de faire le pari d’une écriture en direct avec les élèves, d’une création ensemble.
Tout le travail que Fredéric a fait en amont nous sert de base de travail, de matériau.
Journal du Gers : Comment va se présenter le spectacle ?
Fabien et Olivia : Ce sera un spectacle itinérant qui va se présenter comme une fausse visite d’un lycée un peu particulier avec une pédagogie nouvelle sauf que là ce que l’on prône, c’est la délation, c’est la notation, c’est l’auto-surveillance, l ’idée dans ce lycée, c’est de faire des bons citoyens pour demain « bien carrés ».
Le cadre de départ, c’est donc cette journée portes ouvertes, cadre dans lequel vont venir se greffer les propositions des élèves par rapport à ce qu’ils ont vu en amont avec Frédéric.
Journal du Gers : A quel stade de la création vous situez-vous actuellement?
Fabien : Nous sommes en train de créer des petites bulles qui vont composer le spectacle qui comportera 11 séquences.
Nous nous répartissons en petits groupes. Avec Frédéric, les élèves vont écrire les séquences tandis que les autres travaillent avec nous la partie théâtre.
Nous travaillerons encore ainsi mardi puis nous aurons deux journées pour adapter le spectacle au lycée où nous le jouerons 3 fois vendredi.
Le spectacle sera joué comme une véritable journée « portes ouvertes » et le public sera constitué des élève et du personnel du lycée.
Cette version itinérante est venue des contraintes sanitaires.
Journal du Gers : Olivia et Fabien, qu’est-ce qui vous plaît dans ce type d’expérience ?
Olivia et Fabien : C’est rare d’avoir autant de temps avec des élèves sur une dynamique de projets.
On travaille souvent avec les jeunes sous forme d’ateliers.
C’est une vraie chance de pouvoir s’installer dans une durée.
Et le groupe est très impliqué.
Journal du Gers : Et vous Frédéric ?
Frédéric Rouzies : Avec ce genre de projet, on s’évade par l’imaginaire mais aussi physiquement en sortant de l’établissement.
C’est une véritable aventure collective et artistique.
C’est ce qui me plaît dans mon travail, cette médiation culturelle, faire le lien entre une classe et des artistes et trouver le bon espace et le bon temps de la rencontre.
J’aime beaucoup ce que dit le généticien Albert Jacquard : « On devrait écrire sur le fronton des écoles : Ici, s’enseigne l’art de la rencontre »
Les élèves interrogés sont ravis, d’abord bien entendu de sortir du cadre du lycée mais aussi de travailler avec Olivia et Fabien sur une thématique qui les touche.
Après la pause-déjeuner, le groupe dans son ensemble travaille sur la restitution d’un « poème » présentant le lycée, séquence prenant place au début du spectacle.
Face à face, sous la houlette d’Olivia et Fabien, les élèves s’entraînent à « dire » leur texte avant de le chanter et d’y rajouter une chorégraphie.
Pas facile de canaliser toutes les énergies, chacun se faisant force de proposition pour améliorer la prestation mais petit à petit, la séquence se construit grâce au professionnalisme d’Olivia et de Fabien rompus aux dynamiques de groupe.
Deux petites videos de la séance de travail dans la joie et la bonne humeur :
Nous repartons avec dans la tête ce leitmotiv en boucle « le lycée de La Tourette nous rend moins bêtes » (!!!) et un regret, celui de ne pouvoir assister au spectacle qui se fera à huis-clos, covid oblige !
Mais Claire Garnier, la directrice de la Petite Pierre, a assisté à une des trois représentations données au lycée et elle témoigne avec enthousiasme : « Le "résultat" est vraiment "bluffant". Le public a donc évolué dans le lycée au gré de la visite guidée faite et orchestrée par les élèves. Nous avons ri, parfois un peu effarés par ce futur qui nous attend… ou pas! Car ces élèves, s'ils reflètent une génération, nous ont donné le sentiment de bel et bien dénoncer les dangers qui les attendent .
Et au vue de la qualité de leur représentation et de leur jeu, difficile de croire que beaucoup, six jours avant, n'avaient encore jamais fait de théâtre. Waouh... bravo à tous! »
Heureusement, même si le projet veut dénoncer notre société de stockage, nous avons pu récupérer quelques photos de la prestation des élèves !