Gisèle Halimi est engagée depuis toujours pour la cause anticolonialiste et les droits de l'homme :
Appel pour Gaza , L'Humanité, lundi 24 juillet 2014 "Je ne veux pas me taire"
Un peuple aux mains nues – le peuple palestinien – est en train de se faire massacrer. Une armée le tient en otage. Pourquoi ? Quelle cause défend ce peuple et que lui oppose-t-on ? J'affirme que cette cause est juste et sera reconnue comme telle dans l'histoire. Aujourd'hui règne un silence complice, en France, pays des droits de l'homme et dans tout un Occident américanisé. Je ne veux pas me taire. Je ne veux pas me résigner. Malgré le désert estival, je veux crier fort pour ces voix qui se sont tues et celles que l'on ne veut pas entendre. L'histoire jugera mais n'effacera pas le saccage. Saccage des vies, saccage d'un peuple, saccage des innocents. Le monde n'a-t-il pas espéré que la Shoah marquerait la fin définitive de la barbarie ?
Une vie de combats (dont l'anticolonialisme)
https://www.humanite.fr/gisele-halimi-une-vie-de-combats-691963
L'avocate, infatigable militante féministe et anticoloniale, est morte à l'âge de 93 ans. "Elle s'est éteinte dans la sérénité, à Paris", a déclaré l'un de ses trois fils, le journaliste Emmanuel Faux, estimant que sa mère avait eu "une belle vie".
Issue d'une famille modeste, Gisèle Halimi est née le 27 juillet 1927, à La Goulette, en Tunisie. Avocate engagée, elle se fait notamment connaître lors du procès emblématique de Bobigny, en 1972, où elle défend une mineure jugée pour avoir avorté, suite à un viol. Elle obtient la relaxe de la jeune femme et parvient à mobiliser l'opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de l'avortement, début 1975, avec la loi Veil.
Fondatrice en 1971 avec Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir de l'association pour le droit à l'avortement "Choisir la cause des femmes", elle est, la même année, l'une des signataires du célèbre manifeste des 343 femmes disant publiquement avoir avorté. Gisèle Halimi défendit inlassablement le droit à l'IVG, s'alarmant du nombre de fermetures de centres IVG. « Les libertés des femmes – et singulièrement celle du choix de leurs maternités – ne sauraient être fonction de plans de restructuration ou d'économies budgétaires. Elles restent prioritaires. » s'indignait l'avocate. "Personne ne dit qu'il ne faut plus pratiquer d'IVG, mais on ferme les centres, on diminue les crédits et on s'attaque donc à la liberté chèrement arrachée. Car une liberté sans moyens est une liberté morte. L'avortement est plus qu'un droit, c'est une liberté existentielle en quelque sorte. C'est choisir de donner la vie, autrement on est esclave".
Militante anticolonialiste, "je ne veux pas me taire" affirmait-elle à l'Humanité, à propos de la Palestine et du sort de Gaza. Dans une tribune à l'Humanité, en 2010, celle qui fut membre du collectif d'avocats de Marwan Barghouti, rappelait : «J'ai participé au premier tribunal Russell, celui que présidait Jean-Paul Sartre sur les crimes américains au Vietnam. Je me souviens du jour où le grand Bertrand Russell nous a convoqués à Londres et a dit : « Maintenant, cela suffit avec le crime de silence. » J'espère que cette fois aussi nous réussirons à briser le silence". Quant à la solution ? "Quand on est là-bas, elle est une évidence : mettez fin à l'occupation israélienne, et l'aurore se lèvera. Si les troupes se retirent, les voix de la paix se feront entendre" expliquait-elle à l'Humanité en 2002.
Gisèle Halimi fut de tous les combats émancipateurs, répondant régulièrement présente, comme quand l'Humanité lança en 2006 un appel pour la jeunesse. « Les jeunes ne s'intéressent plus à un système dont le seul ressort est le profit. Ils sont généreux dans une société qui incite au chacun pour soi. Ils se veulent solidaires, alors qu'on ne cherche qu'à les marginaliser. Leur révolte est quelquefois utopique mais elle leur fait honneur. Elle fait honneur à tous ceux qui n'ont pas trahi leur jeunesse. Les condamner, c'est vouloir les casser». En lui remettant, en 2010, les insignes de commandeur de l'ordre national du mérite, le généticien Axel Kahn déclarait ainsi "c'est qu'elle est rayonnante, impressionnante, cette femme (...) Seul le combat permet d'exister quand on est fille, quand on est femme, quand on est humain".
Élue députée de l'Isère (apparentée PS) en 1981, elle poursuit son combat à l'Assemblée, cette fois-ci pour le remboursement de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté en 1982. Avant de prendre ses distances avec le Parti socialiste après son élection à l'Assemblée. Elle intervient notamment pour l'abolition de la peine de mort, contre la prolifération des centrales nucléaires, contre les "mères porteuses" et dépose une dizaine de propositions de loi en faveur des femmes (congé parental, quota électoral, dépénalisation de l'homosexualité, remboursement de l'IVG...). Elle est élue Présidente du Groupe Interparlementaire contre le Racisme et le Sexisme.
En mars 1984, elle est chargée par le Premier Ministre d'une mission d'étude sur le fonctionnement des Organisations Internationales et, notamment, de l'UNESCO.
En 1998, elle fait partie de l'équipe qui crée Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne).
Parallèlement à sa carrière d'avocate, elle a mené une carrière d'écrivain. Parmi sa quinzaine de titres, figurent "Djamila Boupacha" (1962), du nom d'une militante emblématique du FLN, et une oeuvre plus intimiste comme "Fritna", sur sa peu aimante mère (1999), "pratiquante juive totalement ignorante".
Mère de trois garçons, dont Serge Halimi, directeur de la rédaction du Monde diplomatique, elle a confié qu'elle aurait aimé avoir une fille pour "mettre à l'épreuve" son engagement féministe. "J'aurais voulu savoir si, en l'élevant, j'allais me conformer exactement à ce que j'avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les femmes", a-t-elle dit au Monde en 2011.
Dans une dernière interview accordée, au journal Le Monde, en septembre 2019, Gisèle Halimi s'étonnait encore que "les injustices faites aux femmes ne suscitent pas une révolte générale".