Il s’institutionnalisera
Que l’on ait apprécié ou pas sa voix, son style musical, ou sa façon d’être, personne n’était en France, depuis qu’il était apparu à la télévision, un soir de 1959, parrainé par Line Renaud, personne n’était indifférent au phénomène Johnny Hallyday.
Dans une France en reconstruction, que l’on baptise aujourd’hui improprement – confondant courbes économiques et société humaine – « 30 Glorieuses », il incarna un refus.
Le refus de l’ordre établi, culturel et musical, de l’époque. D’une société engoncée dans des rites et des interdits qui apparaissaient désuets aux baby-boomers.
Il est certes, costumé et cravaté, car sinon impossible d’apparaître à la télévision, mais il va se rouler par terre, sa guitare à la main, dans le salon de millions de Français éberlués. Choqués pour les anciens ou ravis pour beaucoup des jeunes, enflammant les discussions familiales pour longtemps.
Place de la Nation, au cours d’un concert monstre qui tourne à l’émeute, il donnera l’occasion aux dirigeants de voir qu’une jeunesse ne tombe pas amoureuse d’une courbe de croissance, même à deux chiffres !
En soutenant François Mitterrand, en 1965 contre Charles De Gaulle, il passa la mesure. Les puissants lui firent passer le message, et il le comprit.
Reconnu adulé et devenu riche, il essaiera d’exporter hors de france ce succès fabuleux. Reconnaissons-le, sans aucun succès. La France ne partagera pas Johnny, exception faite des Wallons et des Suisses romands.
Car c’est un phénomène qui est en prise directe avec notre société et aucune autre.
Tant d’artistes qui ont eu un succès moindre ici, sont devenus des idoles au Japon au Mexique, en Russie et dans tant autre pays… pas lui.
Il approfondira son art, diversifiant les styles musicaux, très influencé par la musique américaine, il s’institutionnalisera. Au point que la génération suivante de contestataires s’interrogera sur l’opportunité de le mettre « En cage à Medrano ».
Mais son talent d’interprète lui permettra, malgré quelques éclipses, de rester jusqu’à aujourd’hui parmi les tous premiers, en ayant l’intelligence de se tourner vers les meilleurs auteurs et compositeurs.
Pour les gens de ma génération, fans ou pas du chanteur, c’est un moment de notre histoire qui quitte la scène.
Moi j’aimais.