Jazz in Marciac – Portrait : Denis Méliet

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Un seigneur de la gastronomie gasconne

Altruiste, philosophe, modeste et grande gueule tout à la fois, Denis Méliet ne peut laisser indifférent. Sa présence à Marciac était l’occasion de faire la connaissance de ce vrai Gascon, qui passe son temps à valoriser les meilleurs produits du territoire gersois.
L’œil rivé sur ses équipes, qui attendent la visite imminente de Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, il répond à nos questions.

Denis Méliet, d’où venez-vous ?

Ma mère est de Fustérouau, entre Aignan et Termes-d’Armagnac, tandis que mon papa est de Lagraulet, la Ténarèze, pays où j’ai grandi. Je suis né dans une clinique tarbaise, la clinique Bertrand, en pleine Bigorre. Je dis toujours pour m’amuser que j’y suis resté seulement trois jours. On m’a ramené très rapidement en Armagnac pour que je puisse profiter des bons effluves.

Il n’y a donc pas plus Gascon que vous ?

Je suis un véritable Gascon, mais nous sommes une terre d’ouverture et je pense qu’il y a aujourd’hui des gens qui sont venus d’ailleurs et qui sont aujourd’hui de dignes représentants de la Gascogne.

Pour dire un mot sur le J’Go de Marciac, comment commence l’aventure ?

L’aventure J’Go a démarré vers 1995 à Toulouse et c’était la continuité d’un travail familial qui s’est étalé sur plusieurs générations. Ensuite, nous nous sommes expatriés à Paris, mais nous avons pensé qu’il était extrêmement important, et même indispensable, de nous rapprocher de nos racines et de nous réimplanter sur l’un de nos territoires gascons. Nous avons alors réfléchi à l’endroit le plus approprié pour venir nous implanter en Gascogne. L’événement le plus porteur – quasiment trois semaines ! -, avec le monde entier qui y passe, désignait évidemment Marciac, qui se trouve en plus au centre de tous les territoires spécifiques gascons que nous défendons.

Parce que l’aventure, elle avait commencé bien avant : Marciac, ce n’est qu’une déclinaison de la grande histoire, qui commence avec… Huguette !

Ah oui, Huguette et Alain ont commencé la restauration tout à fait par hasard, dans les années 70, sur notre commune de Lagraulet, afin de rendre service à la communauté et au maire de l’époque, qui avait créé un village de vacances très avant-gardiste. Victime de son succès, il s’est retrouvé dans la difficulté, car il n’avait personne pour tenir le restaurant, et a fait appel à mes parents. Ma mère, en effet, cuisinait très bien et passait son temps à le faire pour la famille et le personnel agricole qui travaillait sur la propriété.

À quel moment se disent-ils qu’ils ouvriraient bien quelque chose à eux ?

Ça ne s’est même pas passé comme ça. Vous savez bien que le monde paysan est difficile et qu’il est tout autant difficile de travailler, de produire et de vivre correctement de ce métier. Aujourd’hui, le monde agricole traverse des difficultés importantes. Il y a 40 ans, c’était déjà le cas. Et quand mes parents se sont retrouvés à faire la restauration pour rendre service au maire du village, c’était une ressource complémentaire, qui leur a permis de nous élever et de nous accompagner au quotidien. Cela a donc été une deuxième activité qui permettait à la famille de vivre correctement. C’est le hasard de la vie.

À un moment, on peut dire que vous apportez une touche professionnelle à l’entreprise. Votre ambition est différente …

Au fond de nous, on a tous besoin de cette ambition. Chacun de nous essaye de marquer son temps. Je représente une continuité et j’espère que je constituerai un maillon, mais aussi que les nouvelles générations poursuivront. Il y a déjà une partie de la famille qui est installée sur le territoire pour faire de l’agriculture. J’espère que les autres membres continueront dans cette activité. Mais nous ne sommes que des éléments qui menont la vie d’une génération à une autre. Je n’ai pas réellement d’ambition personnelle. La seule que je pourrais avoir en moi, c’est d’être efficace et utile pour nos territoires et nos familles, et pour permettre à la Gascogne de véhiculer son image à travers d’autres territoires.

On ne peut pas dire que vous n’y avez pas mis les moyens. Vous ne faites pas les choses à moitié et vous me disiez, l’année dernière, que vous aviez installé un laboratoire pour tester les produits et les recettes …

Ce n’est pas une ambition, mais une volonté de bien faire. L’équipe J’Go a l'ambition de montrer le meilleur de ce qu’on peut faire en Gascogne. Il y a la production, les territoires, les paysans et ensuite, il faut faire le job complémentaire, c’est-à-dire amener ça sur les tables de nos établissements de Toulouse et de Paris. Effectivement, afin de résoudre une partie du problème, nous avons investi dans un laboratoire qui se trouve à une encablure de Marciac, à Hachan, et qui va nous permettre de travailler le Noir de Bigorre, puisque nous sommes maintenant au cœur de l’aoc. Il s’agit donc de créer de la valeur ajoutée sur le territoire et ici même, à Marciac, nous allons ouvrir un atelier d’affinage de vieux jambons de la race, parce que nous pensons que le produit présente la capacité de bonifier, ce qui nous permettra d’amener un peu de diversité, de complexité dans la dégustation des jambons.

Y a-t-il une chose dont vous êtes particulièrement fier dans cette œuvre que l’on peut déjà qualifier de colossale ?

La seule chose dont je suis fier, c’est que, à Marciac, on arrive à faire converger les paysans engagés au service d’une nourriture innovante, les équipes de jeunes du J’Go, les personnes que nous allons former, ma famille, bien entendu, le public qui passe à table, qui vient du grand Sud-Ouest, de la France entière et du monde entier, et puis ces jazzmen internationaux, qui sont aujourd’hui devenus des éléments du biotope gascon. Imaginez la Gascogne sans le foie-gras, sans l’armagnac, sans ses vignerons, sans les champs de tournesols. Au même titre, on ne pourrait pas imaginer, pour les années à venir, notre pays gascon, Marciac, sans ces musiciens d’Amérique ou d’ailleurs. Aujourd’hui, la Gascogne se les est appropriée. Ils font partie, non pas de notre décor, mais de notre paysage. Ils sont aujourd’hui devenus des acteurs, au même titre que tout le reste de la Gascogne.

Vous en parlez en tout cas merveilleusement bien. Je pense que, s’il y avait un Ministre des Terroirs, vous feriez bien l’affaire …

Je ne suis malheureusement pas ministrable pour l’instant, mais j’essaye d’assumer mon rôle d’ambassadeur au quotidien, à Toulouse, à Paris et, demain, sur d’autres destinations. Nous allons mettre toutes nos forces et tout notre amour pour ce territoire afin d’en faire la promotion le plus longtemps possible. Et j’espère de tout mon cœur que la transmission va fonctionner et que les générations qui suivront seront encore plus engagées que nous.

Pierre Painblanc

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