Je m’étais endormi sur les prestations en demi-teinte des sœurs Labèque et de Norah Jones, me demandant quand le festival allait vraiment commencer. Et c’est là que débarqua Omer Avital, entouré de sa bande de furieux, visiblement prêts à tous les mauvais coups, mais surtout à tout faire pour que leur passage reste inoubliable.
Ils sont jeunes, la barbe et les cheveux en broussaille, habillés à la va-comme-je-te-pousse et visiblement soucieux de cacher leur jeu, de ne pas livrer – tout de suite – la folie qui les anime, histoire de ne pas faire fuir le chaland.
Sur les cinq, il y en a trois qui ont revêtu un veston, dont on devine qu’il était roulé en boule au fond de leurs valises. Sous le chapiteau, où règne une température de 30°, on se demande de quelle région aride ils débarquent pour avoir aussi froid et on craint tout à coup qu’il ne leur vienne l’idée de demander qu’on allume le chauffage.
C’est avec Omer Avital que le festival a vraiment commencé !
Et c’est au batteur Ofri Nehemya de déclencher les hostilités. Pourtant, à le voir tout mince, juché sur son tabouret, on est loin d’imaginer la force de frappe dont il est capable. Les coups pleuvent, aux autres de s’accrocher.
Le duo de sax que forment Asaf Yuria et Alexander Levin nous emmène tout de suite sur les sommets. Ils entament un dialogue nerveux, ou jouent quelque fois de concert, dans une fausse apparence d’apaisement.
Après une demi-heure, les trois frileux de la bande tombent la veste, signe que l’échauffement est terminé. Alors, c’est l’escalade, la montée en puissance. Seul Eden Ladin, le claviers, semble se ménager un espace quelque peu romantique au milieu de ce déchaînement digne d’un tir groupé de missiles sol-sol.
Omer Avital jubile. Le double stack Ampeg lui vomit les basses en plein dos. Le sol du chapiteau tremble. Arc-bouté à la contrebasse, il rit, invective ses coreligionnaires, danse autour de l’instrument comme le feraient des Indiens autour du totem sacrificiel, et tire sur les câbles comme s’il s’agissait d’un arc prédestiné au massacre.
Omer boit du vin, s’esclaffe de plus belle et fait le clown. La musique dérape en free-jazz. Le contrôle va-t-il leur échapper ? Ils se rattrapent de justesse, montrant à quel point leur maîtrise est grande.
C’est fini, et on ne s’en remet pas. Standing ovation.
C’est avec Omer Avital que le festival a vraiment commencé. Et c’était énorme.
Pierre Painblanc