Le temps d'avant : le 14 Juillet au village

Je  me  souviens  de  mon  grand  père qui,  lisant  le  journal le plus  républicain,  enrageait    en regardant  les  annonces  de  la célébration des fêtes  du  14 juillet  dans les   villages , se mettait  en colère   en  disant «  Même  les  culs blancs (les  non  républicains de droite )  font  leur   14  juillet »  . En effet, dans  les moindres  villages  et  même dans les hameaux annexes,   on  organisait    une   manifestation  pour  fêter  la prise  de  la  Bastille , ce grand    moment  d’histoire  sur  laquelle   l’instituteur  de  la   3e  République,  insistait  lourdement . Il  y ajoutait    quelques  faits  divers  de  l’époque : le  meunier    de la  Mouliaque  s’était  rendu   au  château avec  un gros gourdin  et avait  asssommé  le  seigneur qui durant  de longues  années lui  avait  prélevé trop  de   dîme

La  Révolution  se  fêtait  avec  un bal  populaire  et   un  service  de gâteaux  et vin  blanc  gratuit   .L’orchestre      pour    ne pas   charger   la ligne budgétaire  des  festivités  de  la   commune, était   souvent   constitué  par les musiciens de  la  commune, accordéoniste  et violoniste. On les   installait sur  une  estrade branlante    qui reposait    sur  deux comportes   retournées . Sur   le  coup de  minuit, on mettait   en perce   le  « barriquot »   de vin blanc , un   vrai  , c’est  à dire   avec un  « brouquet » ,morceau   de  bois   conique   qu’on enfonçait    dans   un trou d’une  douve  et  qu’on  enlevait  pour  remplir les  bouteilles

 Et on distribuait   les gâteaux. Dans  mon   village , le boulanger    confectionnait    pour cette soirée «  révolutionnaire » un gâteau   unique  dans  la   région  .Il  faisait de la pâte  à pain,   y creusait  une  fontaine, y   incorporait  des œufs  et  du  sucre,  pétrissait  de  nouveau  le  tout,  formait des  galettes, y passait  dessus  avec une  plume d’oie un   sirop    d’œuf  , de sucre et d’ armagnac, puis  il cuisait  au four à bois  où   tous les  ingrédients  se caramélisaient.

C’était  bourratif  mais  avec  des  verres de  vin blanc, on appréciait . Les   ingrédients  étaient   fournis  par  les   conseillers   municipaux. Puis   on remplaça   ces  délicieuses pâtisseries  par  des boîtes  de  gâteaux  secs ! .Un  papy , ouvrier agricole à la  retraite  qui  avait   travaillé   dans  la région  de  Cazaubon  nous contait que  là-bas,   on    faisait   le  brûlot :  une   grande   marmite  en   cuivre   contenait  une dizaine de  litres d’armagnac    et   du sucre , on faisait   chauffer  sur  un feu de bois   .Très  vite   l’alcool   s’enflammait , et    on remuait, de longues   flammes    bleutées entouraient    la louche  à long   manche  . Quand  le feu baissait   dans la  marmite  , le maire   décidait   d’arrêter,  il goûtait  et la  distribution   commençait – le brûlot  était  plus  ou  moins  alcoolisé   et  le   papy  d’ajouter   : « Parfois   nous   ne retrouvions  plus  les  paroles   de La  Marseillaise  que nous voulions   entonner    pour   célébrer    la prise  de la  Bastille »  .

Il   tire   sur  son béret , jette  son   mégot  et  éclate de  rire :  « Une fois  dans    un  village     près  de  Barbotan,  continue –t-il, il y eut    une   histoire   avec  le curé    et   le conseil   paroissial. En ce temps   là,  les  mères accompagnaient  leur  fille  au bal , on disait  qu’elles  les   chaperonnaient, il  fallut  donc  prévoir    autour de  la piste  de  danse  des   bancs. Ceux  de la mairie  ne  suffirent   pas . Le  carillonneur   du village   proposa d’aller   chercher   les  chaises  paillées, pas les prie-dieu avec  velours dans l’église. Le  brave  homme  faillit perdre     sa charge   aux  cloches ,il   fut   maintenu  , mais  dans  certaines   maisons   on lui  refusa   « la graero » (quantité   de grain qu’on donnait au carillonneur    pour    ses  services   ( angélus – cérémonies –orage )  - elle se quantifiait  avec  une  mesure  en bois    «  le  vingtième »   qui  représentait   un  quart   du sac de  blé   de  80 kilos). 

 Quant   à nous  les jeunes, nous laissions   toute  politique  de  côté    pour   lutiner  les filles    dans  quelques  coins  sombres  de la   place  du  village -  En surprenant  certains   couples  , les  mères  parlaient  de   mésalliance .

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