Le général Jacques Lasserre, président du Comité de la mémoire des anciens combattants du Gers, a prononcé une conférence le 19 juin 2016 sur un point particulier, rarement évoqué, de la Résistance : ses finances. Que dépensent les unités de FFI (Forces françaises de l'intérieur), c'est-à-dire les maquisards ? D'où viennent les fonds dont ils disposent ? Il prend comme exemple le Bataillon de guérilla de l'Armagnac, formé, organisé et instruit sous les ordres du capitaine de réserve Maurice Parisot.
Le général raconte d'abord les combats de juillet 1944 auxquels a participé le Bataillon de l'Armagnac sous le commandement de Maurice Parisot. Jusqu'à la fin de juillet, Maurice Parisot est dans l'attente d'une opération aéroportée alliée baptisée « Caliph », qui devait avoir lieu sur la côte landaise. Il avait donc installé un dispositif qui lui aurait permis d'intervenir rapidement sur les arrières des Allemands. À la fin de juillet, il comprend que Caliph n'aura jamais lieu (1) et cherche à attaquer les Allemands à Cazaubon, puis à Estang, où il tend une embuscade contre un ennemi très supérieur. Le Bataillon arrive à se dégager et échappe – sur renseignement – à une opération de ratissage visant ses anciens cantonnements dans la région d'Avéron-Bergelle et Panjas.
La vie quotidienne a un prix
Le général Lasserre donne des chiffres des dépenses lors de ce mois de juillet 1944. Les comptes du Bataillon sont parfaitement clairs, ce qui est relativement rare parmi les unités de FFI, selon le général.
L'entretien de base d'un volontaire coûtait 23,95 francs par homme et par jour. Mais les effectifs changeaient tous les jours et, pour une période d'un mois à effectif moyen, le coût pour le Bataillon de l'Armagnac était de 33 081 francs par homme et par jour, soit un total de 820 696 francs pour la période du 11 juillet au 9 août 1944. Tout compris, il faut compter une dépense moyenne d'un million de francs de l'époque pour faire fonctionner le Bataillon.
Dans les estimations, il faut tenir compte du fait que les combattants célibataires recevaient une indemnité de 10 francs par jour et les résistants mariés ayant trois enfants, 80 francs par jour. Il était important de secourir les familles des volontaires qui avaient abandonné leur emploi et d'entretenir des permanents (secrétaires, radios, clandestins habitant des meublés etc.).
À ceci s'ajoutent les fournitures diverses : on a les chiffres pour une période de trois semaines durant l'été : 39 468,83 francs ont été dépensés. Au total, un volontaire du Bataillon coûte 1 000 francs par mois. À noter que c'est plus que dans le mouvement Combat de Henri Frenay, qui donne le chiffre de 600 francs par homme et par mois.
Origine des fonds
Les fonds ont trois origines : les réquisitions effectuées par les résistants contre des bons remboursables après la Libération, les fonds donnés par le SOE (2) et les fonds donnés par le BCRA (3) de la France Libre du général de Gaulle. Ce dernier souhaite évincer les Britanniques dans le financement des FFI, sachant néanmoins que c'est la Grande-Bretagne qui prête les fonds à la France Libre, fonds qui ont été remboursés après la guerre.
Le conférencier mentionne la crise déclenchée au printemps 1943 par Henri Frenay. Irrité de ne pas recevoir tous les fonds qu'il voulait, celui-ci prend contact avec les Américains en Suisse pour se faire financer : Jean Moulin l'accuse de trahir le général de Gaulle...
L'argent est parachuté et ne tombe pas toujours entre les mains de ses destinataires : un autre réseau présent sur place n'hésite pas à le récupérer. Ils sont parfois pillés. Ou bien l'avion ne trouve pas l'aire de largage et repart avec les fonds...
Aucun enrichissement personnel
Selon le général Lasserre, personne appartenant au Bataillon de l'Armagnac ne l'a quitté devenu riche, ce qui plaide fortement pour l'honnêteté de ses membres. Alors que l'argent n'a jamais manqué au Bataillon, qui n'a donc pas été contraint d'organiser des hold-ups.
En 1944, dans toute la France, devant les aléas de la distribution des fonds, on passe aux hold-ups sur une grande échelle. Les cibles sont les agences de la Banque de France et les bureaux de Poste. Ces actions, sans violence, sont souvent effectuées en dehors des heures d'affluence, avec la complicité du personnel de ces institutions et les résistants, en général, laissent des reçus (4).
En écoutant le conférencier, on devine, en filigrane, que Maurice Parisot était un organisateur remarquable, dont la mort est une grande perte pour le pays.
(1) Il est vraisemblable qu'il s'agissait d'un leurre, une de ces « opérations de déception » où excellent les Britanniques. (2) Special Operations Executive (Direction des opérations spéciales). (3) Bureau central de renseignement et d'action dirigé par le colonel Passy. (4) D'après le site (https://clio-cr.clionautes.org/l-argent-de-la-resistance.html).