« Lou Perigle » ( l’orage ) autrefois et les sonneries des cloches.
Des éclairs zèbrent le ciel d’encre ,les roulements de tonnerre font échos avec la colline, je n’aime guère cela, je pense qu’il y a là une survivance de l’orage à la campagne dans mon enfance . « Qué s’encrumo de darré » disait ma grand-mère . Lou darrè c’est l’ouest d’où arrivent les premiers nuages noirs de l’orage .Le signal était donné : on enfermait les oies de semence , on allait chercher le troupeau de dindons qui glanaient dans un champ voisin , on ramenait les vaches à l’étable .On fermait portes fenêtres et volets et on se faisait houspiller si on voulait voir l’éclair . « pas de courant d’air, ça attire la foudre » , précisait ma grand mère en langue française , car c’était destiné aux enfants et cette formule avait une donnée technique .Puis elle allumait un gros cierge ( cierge de première communion d’un ancêtre conservé dans une sorte de papier de soie ) elle marmonnait quelques prières très discrètement pour ne pas attirer les remarques ironiques de mon grand père . Je crois qu’elle s’adressait à Sainte Barbe ,patronne des artilleurs dont le père avait été foudroyé par la foudre après avoir décapité sa fille pour adhésion au christianisme . On racontait aussi ,lors des soirées du tue cochon ou des « despouilladès » ( dépouillage du maïs ) que la Francine du Tricoulet sortait les soirs d’orage éparpiller des cendres récupérées de la bûche de Noël autour de la maison .On disait aussi que celui ou celle qui faisait au village office de sacristain, devait recouvrir l’autel de l’église avec une nappe qui avait été fabriquée autrefois avec du lin sauvage . Religion, superstition , mon grand père ne se prononçait pas mais il tendait l’oreille pour savoir si la carillonneuse avait lancé les cloches à la volée .Il estimait et il n’était pas le seul ( une enquête de 1840 sur le carillon du tonnerre révèle qu’il est pratiquement sonné dans toutes les communes ) que les vibrations avaient le pouvoir de dissiper les nuages porteurs de grêle .Les croyants affirmaient aussi que la cloche bénie pouvait avoir un effet magique sur la dispersion des nuages . Sonner dans un clocher très élevé et le plus souvent surmonté d’une croix en fer , n’était pas sans danger .Le 10 Mai 1781, à Lannepax, quatre sonneurs furent grièvement blessés, la foudre ayant même fait tomber une cloche et pourtant les carillonneurs sonnaient .Il est vrai que leur rémunération consistait en l’attribution de céréales après la récolte , la graero ( une quantité de blé mesuré le plus souvent avec un récipient en bois , lou bintième , une fraction du sac de blé ) . S’ils avaient oublié de carillonner pour quelques orages, on diminuait d’autan la prime en nature . Des cloches étaient disait –on particulièrement efficaces , on m’a cité la cloche de la chapelle de Saint Pé ( commune de Castillon Debats ) . Cette croyance populaire du pouvoir des cloches était profondément enracinée. Préfectures et évêchés multiplièrent les arrêtés interdisant la sonnerie des cloches pendant les orages .Personne ne les respecta. A Cazaux d’Anglès ( canton de Vic ) le carillonneur démissionna plutôt que de se soumettre à l’interdiction . Aujourd’hui les cloches se sont tues , évolution dans les connaissances techniques , absence de carillonneur, électrification des cloches .On explique tout , c’est peut –être dommage , il y avait encore un peu de merveilleux .