Découverte d'un tableau méconnu de l'église St Pierre : « L'adoration des bergers »

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Mercredi 3 juillet, dans le cadre de la nuit des églises, la paroisse de Vic-Fezensac avait organisé une soirée dans l'église Saint-Pierre.

Christiane Goergen-Trepout, membre de la section vicoise de la Société Archéologique du Gers, a fait découvrir à un public venu nombreux l'écouter l'histoire d'un tableau méconnu " l' Adoration des bergers ".

En préambule, deux flûtistes de l'école de musique, Isabelle et Amandine, ont créé une ambiance musicale en harmonie avec le sujet.

Le public était installé à proximité du tableau et une copie de l'original était exposée sur un chevalet.

En effet, le tableau accroché au mur est une copie d'un tableau de José de Ribera signé de Cornélie Delort et daté de 1892.

Sur le chevalet, une copie de l'original de José de Ribera daté de 1652.

Ces deux tableaux sont des reproductions d'un troisième, l'original de Ribera qui se trouve au musée du Louvre.

Des critiques d'art ont affirmé que c'est une œuvre capitale et la mieux conservée que l'on connaisse de l'Espagnolet, surnom donné à Ribera.

Cornélie Delort

Guy Miquel, dans le bulletin 411 de la société archéologique du Gers en 2014, a consacré un article à Cornélie Delort, une artiste gersoise du 19e siècle, peintre, écrivain, grande voyageuse qui a connu à son époque une grande renommée nationale.

Son père, Marie-Joseph Delort, naît à Vic en 1769 de père vicois Blaise Delort magistrat en cette ville. Elle passe sa petite enfance à Plehaut.

Cornélie Delort est essentiellement une copiste d'oeuvres anciennes et surtout de sujets religieux.

A noter que la copie est une œuvre d'art à part entière qui doit susciter, si elle est exécutée avec talent, les mêmes émotions que l'original.

A la droite du tableau, on peut lire « Cornélie Delort (du Gers ) d'après Ribera en 1882 »

Cornélie jouit d'une bonne réputation, les commandes affluent de la France entière.

Le Ministère du Second Empire dont le directeur est aussi surintendant des Beaux-Arts lui passe de nombreuses commandes dont il gratifie les villes qui lui en font la demande.

Une demande de la ville de Vic pour un autre tableau de Cornélie Delort « La nativité de l'enfant Jésus » copie d'un tableau de Giulio Romano n'ayant pu être satisfaite, on peut supposer que Cornélie a offert ce tableau.

Un autre tableau « La vierge à l'enfant », copie d'une œuvre de Raphaël, se trouve en l'église de Pléhaut.

José de Ribera

L'auteur de l'original est José de Ribera dit l'Espagnolet né près de Valence en 1591.

A 20 ans, il gagne l'Italie et épousera la fille d'un peintre sicilien, une union qui lui permettra d'être accepté dans ce nouveau milieu.

Il sera gratifié de plusieurs distinctions honorifiques dont deux prestigieuses : l'Académie St Luc de Rome l'appelle en son sein en 1630 et le pape le nomme Chevalier du Christ, suprême distinction qui lui ouvre les portes d'un succès toujours grandissant.

Durant 30 ans, il va connaître un succès ininterrompu.

Il va mourir à Naples à 62 ans en 1652, deux ans après avoir peint « l'adoration des bergers ».

Dès son arrivée en Italie, il étudie la peinture de la Renaissance et les grands peintres de cette période sont ses modèles, Michel Ange, Raphaël, Titien, Botticcelli, Léonard de Vinci.

Mais un maître le fascine particulièrement, c'est Le Caravage qui est décédé un an avant qu'il arrive en Italie. Il apprécie chez Le Caravage son apport naturaliste.

Il connaissait bien sûr le clair-obscur mais avec Le Caravage et sa révolution picturale, le ténébrisme, sa manière de peindre va évoluer.

Il fera sienne l'utilisation de l'ombre comme moyen d'expression plastique et de la lumière comme moyen d'existence des formes.

On peut remarquer sur le tableau que les ombres très sombres et les lumières très claires donnent du relief à la peinture.

Les ténébristes tels que Ribera attachés au mysticisme pictural considèrent la lumière comme un instrument de spiritualité.

Aux côtés des peintres espagnols du siècle d'or, le XVIIe, tels que Zurbaran, Velasquez et Murillo, Ribera est une des figures majeures de l'école napolitaine.

Il incarne le réalisme espagnol empreint de mysticisme et de trivialité parfois qui caractérise la religiosité espagnole.

Il est l'un des intermédiaires les plus actifs entre l'art italien napolitain et la culture espagnole.

Le tableau

Sur ce tableau Ribera a rendu la réalité physique de la composition en employant une palette de tons chauds aussi bien pour les couleurs claires que pour les teintes foncées.

Le relief est donné par le jeu de la lumière venant d'en haut de l'extérieur de l'étable.

La peinture de Ribéra révèle une nouvelle sensibilité au service d'une technique parfaite.

On a devant nous un petit théâtre avec une mise en scène bien organisée, harmonieuse, silencieuse, aux images simples immédiatement lisibles quoique fortes et évocatrices

Avec « l'adoration des bergers », Ribéra rencontre un grand succès à son époque en traitant ce sujet avec originalité.

Dans cette toile peinte deux ans avant sa mort, il réussit à associer naturalisme et classicisme.

Au 19e siècle, les peintres français tel qu'Edouard Manet et sûrement Cornélie Delort redécouvrent la puissance et l'expression du réalisme dans la peinture de Ribera.

Précisions bibliques concernant le tableau :

Les peintres qui on pris comme sujet l'adoration des bergers – nombreux et prestigieux – ont tous en commun la source d'inspiration qui est l'Evangile selon Saint Luc concernant la vie de Jésus et se déroulant après l'annonce faite aux bergers.

Le récit biblique dit : « Les bergers proches du lieu de la Nativité (Bethléem) gardant comme d'habitude leurs bêtes dans les champs pour la nuit, celle du solstice, sont informés les premiers par les anges dans le ciel de la venue du sauveur.

Ils se rendent à la crèche pour s'y prosterner devant l'enfant Jésus et pour célébrer l'incarnation du tout puissant roi des cieux. »

Pourquoi le tableau de Cornélie Delort est-il resté méconnu ?

Christiane Goergen-Trépout  avance une explication : en 1905, lors de la séparation des Églises et de l'État, les biens appartenant à l'église vont devenir biens nationaux, un inventaire des biens est établi.

On constate que le tableau dont il a été question est décrit de manière très approximative, les rédacteurs de l'inventaire n'étant sûrement pas à même d'apprécier l'oeuvre, d'où le désintérêt qui a perduré jusqu'à nos jours et d'où l'indifférence pour l'oeuvre et pour son auteur. 

« Je pense que modestement nous rendons un hommage posthume à Cornélie Delort cette gersoise injustement oubliée et à son tableau » a conclu Christiane Goergen-Trépout.

Lors des échanges avec le public, a été évoquée une éventuelle restauration du tableau afin de lui redonner ses couleurs d'origine.

Une conférence très intéressante qui a permis à bon nombre de Vicois de découvrir une œuvre ignorée.

Pour les curieux qui n'ont pas assisté à la soirée, l'oeuvre se trouve à gauche avant l'entrée de la sacristie.

 



 

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