Nous avons cheminé bien souvent ensemble, on refaisait le monde ou simplement Vic-Fezensac.
Aujourd’hui, c’est avec beaucoup de peine que je suis à tes côtés pour ton dernier voyage car tu étais un de mes amis les plus sincères.
Tu as été frappé par de nombreux malheurs, la disparition de ton frère, celle de ta femme que tu as soignée pendant plusieurs années.
Tu as toujours fait face.
Avec ton départ, c’est une partie de la ville qui s’en va.
Tu étais avec ton épouse instituteur à Dému.
Mais les Vicois eurent un jour l’idée de te faire venir à Vic.
On savait qu’André enseignerait à merveille les accords du participe passé, les problèmes de volumes et de surfaces, les belles chansons françaises.
On savait aussi qu'il apporterait avec lui sa recette pour fabriquer de l'encre avec de la poudre et de l'eau, recette qui ne manquait pas d'impressionner ses élèves et qui lui conférait une aura de magicien...
Et oui, dans la classe d'André, on écrivait à la plume Sergent Major trempée dans l'encrier inséré dans la table en bois avec sous la main l'indispensable buvard.
On comptait donc sur ses qualités de pédagogue mais avant tout sur celles du rugbyman accompli qu'il était déjà.
On a alors pensé qu’à Vic où le rugby s’essouflait un peu un homme comme lui apporterait une bouffée d’oxygène.
Tu acceptas de venir et tu te mis aussi en quête de « guerriers », des hommes qui ne rechignaient pas et « mettaient la tête » et tu en trouvas qui ont rejoint l’équipe.
On te fit confiance et tu donnas entière satisfaction.
Tu disais aux trois-quarts : « Ces ballons qu’on vous gagne, ce n’est pas rien, il faut aller les chercher, alors quand vous les avez, il faut les capitaliser en essai ! » Et ils les capitalisaient !
Cette année-là, en 1964, l’équipe autour de son capitaine André Pourqué, va marquer 283 points en championnat et n’en encaisser que 18, inscrire 74 essais et n’en concéder que 3 !
La récompense fut la finale du championnat de France Honneur à Quillan où l’UAV l’emporta contre Jarrie 8 à 3.
Puis Vic élimine Sarlat en 8ème de finale du championnat de France, Montpellier en quart et enfin Rodez en demi-finale.
C’est alors la réalisation d’un rêve que le capitaine avait promis à ses joueurs : la montée en 3ème division !
Dans l’équipe, il y avait Dandrea, Bazile, Malange, Lasbats, le capitaine Pourqué, Dubourg, Maupeyra, Maffeis, les trois-quarts, Jean-Pierre Trépout à la mêlée, Michel Castex à l’ouverture, Barbéra à l’aile, Ferrer au centre, Ducousso à l’aile, Hourcade, et Pierrot Mothe dont on ne compte plus les points qu’il a donnés à l’UAV.
Lors de cette saison, la ville était « rugby », lors des phases finales, tout le monde était en tango et noir et l’ambiance était extraordinaire.
Peut-être pourrait-on donner ton nom au stade ou au moins à une partie car tu as vraiment relevé le club et ceux qui sont encore là se souviennent de toi.
Tu étais de ces joueurs qui ne trichent pas.
Deux anecdotes me reviennent en mémoire.
On jouait dans les Landes pour un match « rude mais correct » comme disent les journalistes sportifs.
Une mêlée se relève et se produit ce que l’on appelait « la générale », c’est-à-dire que les 30 joueurs se battent. L’arbitre réussit à mettre fin à la bagarre.
Malheureusement, on voit un joueur qui ne se relève pas, c’était toi André.
La plupart des gens devaient se poser la question – avant même de se soucier de ta blessure - : « Comment on va jouer dimanche prochain ? »
Le soigneur Durrègne arrive avec le seau et l’éponge et la bombe miracle fournie par la pharmacie Péres.
Tu te plaignais de l’épaule et des cervicales.
Arrive un kiné du coin qui recommande de te transporter à plat.
Pas de brancard au stade.
Qu’à cela ne tienne, Durrègne a dégondé la porte des toilettes et l’a amenée sur le terrain pour te transporter sur la touche.
Durrègne poursuit ses soins, tu te plaignais toujours de douleurs violentes.
Tout d’un coup, tu te mets sur les genoux, te relèves… et tu pars sur le terrain reprendre le jeu !
Durrègne te demande ce que tu fais. « Tu n’as pas vu que le match reprenait ? » lui dis-tu !
Tu avais avoué le soir avoir terriblement souffert dans les mêlées !
Je me souviens aussi d’un match à l’extérieur, peut-être dans le Béarn, où j’étais accoudé à une barrière.
Arrive un solide gaillard aux oreilles retroussées, il ne faisait aucun doute qu’il avait joué trois-quart aile. « Vous êtes de Vic ? me dit-il, j’aimerais retrouver un joueur contre qui j’ai joué, on s’était flanqué une belle rouste, c’était un costaud qui était instituteur je crois. »
Je le conduis vers un groupe d’anciens joueurs.
Tu te lèves, le reconnaîs tout de suite et le prends dans tes bras !
Vous avez alors échangé vos souvenirs rugbystiques de toutes sortes.
Il n’y avait à l’époque ni carton jaune ni carton rouge mais l’amour du jeu, le respect de l’autre et l’amitié entre les joueurs.
Autant que je m’en souvienne, André n’était pas en retard dans ce qu’on appelait les générales.
Après le volet rugby, on peut évoquer le volet citoyen.
André connaissait la ville de Vic dans ses moindres recoins.
Mais il trouvait qu’elle n’était pas suffisamment dynamique.
Il décida de monter une liste pour les municipales et perdit deux fois les élections.
En tant que conseiller municipal de l’opposition puis adjoint de Michel Sanroma, il travaillera énormément.
Avec André, les réunions du conseil municipal pouvaient durer jusqu’à 1 heure du matin car il fallait épuiser tous les sujets qu’il souhaitait aborder et avait soigneusement préparés.
André, tu étais un grand travailleur mais tu avais aussi beaucoup d’humour et nous avons beaucoup ri ensemble.
Tu resteras dans ma mémoire comme un homme de valeurs.
La fidélité, la volonté, l’entraide, ce n’était pas que des mots pour toi…
Pierre Dupouy
Un recueillement aura lieu jeudi 14 avril à 10 h en la salle de conférences de la mairie de Vic-Fezensac suivi de la crémation dans l' intimité familiale.
André Pourqué repose à la maison funéraire de Vic-Fezensac, chemin de Grisonis, où un dernier hommage peut lui être rendu.