Lors de la cérémonie de commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918, les élèves de 6ème du collège Gabriel Séailles ont réalisé comme c’est la tradition l’appel aux morts.
Cette année, Nathalie Di Giusto, principale du collège, et Christelle Thiriet, professeur d’histoire-géographie, ont proposé la lecture d’extraits de journaux de guerre ou de lettres de deux soldats vicois.
Il s’agissait de Zacharie Baqué, instituteur, appartenant au 88 ème régiment d’infanterie, puis au 288 ème régiment d’infanterie et de René Jarret, ouvrier poêlier, apprtenant au 135ème régiment territorial d’infanterie.
Nul doute que ces lectures empreintes d’émotion ont donné une autre dimension à l’hommage rendu à ceux qui sont morts pour la France.
Quelques extraits :
Le 1er août 1914, Zacharie Bacqué écrit :
« A la fin de juillet, il n’y avait presque plus d’espérances de voir les conflits se résoudre pacifiquement. Le samedi 1er août se passa dans l’angoisse. Toute la population de Vic était sur la place de Vic attendant du télégraphe l’effrayante nouvelle que personne ne croyait plus devoir éluder.
A trois heures du soir, le maire recevait la dépêche fatidique apprenant la déclaration de guerre...Le tocsin lugubre annonce l’événement. »
Puis les hommes partent au front.
René Jarret raconte la vie dans les tranchées :
Le vendredi 29 janvier 1915
« Ligne des Boches à 1800m.
Sommes mis à l’oeuvre en arrivant aux tranchées. Il gèle très fort, le vin se gèle dans la gourde. Travaillons toute la nuit par un beau clair de lune. De temps en temps allons nous chauffer aux gourbis. Vers 2h l’artillerie tire sur Mourmelon, nos canons répondent. »
Le vendredi 19 février
« De garde de 2 h à 3 h. Matinée calme, quelques obus. La soirée remplie d’émotions. A 4h30, alerte, tout le monde à son poste, les fusils crépitent, feux de salve pendant que notre artillerie crache sur les tranchées boches. Pendant 2 heures sur notre droite du côté de Perthes, de vrais nuages de fumée se dégagent des coteaux. Il doit se passer des choses vraiment terribles.
Apercevons le feu de l’éclatement de nos obus, quel enfer que ce doit être. Aussitôt à notre gauche nos canons commencent la danse sur les tranchées boches, c’est effrayant. Tout cela cesse à la nuit. D’ailleurs la pluie se met à tomber. Le calme renaît, pas trop tôt. «
Zaccahrie Bacqué raconte dans une lettre à sa famille comment se déroule une attaque :
Le 29 septembre 1915
« De 2 h du matin jusqu’à l’entrée de la nuit, il fallut vivre dans ce fer, dans ce bruit, dans ce feu, sans repos, sans répits, sans sommeil.
A midi trente, l’attaque. Je ne vous dirai rien des visions d’horreur qui entrent dans vos yeux au moment où le chef de bataillon prend la tête de la vague d’assaut. Chacun, la veille, a apporté une échelle pour franchir le parapet à la minute précise. Il faut foncer sans l’inconnu, tête baissée…
Notre artillerie n’a pas su ou pu démolir les abris qui sont sous le talus de la route où les Boches sont installés. Ceux-ci nous écrasent par l’éclatement de leurs grenades à main ou le feu de leurs mitrailleuses.
L’impossibilité de faire quelque chose est vite sentie ; il y a heureusement sous les pas des trous d’obus nombreux dans lesquels on s’écroule pour laisser passer la rafale par dessus la tête. Rampant ensuite, aux moments d’accalmie, on peut rentrer d’un bond chez soi.
C’est fini ! Une trouée n’est possible que par surprise sur des troupes abruties par le canon. On passe par un tir de barrage d’infanterie, deux mitrailleuses arrêtant net un régiment. »
Zaccharie Bacqué témoigne aussi du réconfort apporté par la correspondance avec la famille à l’arrière.
Le vendredi 2 octobre 1914
« Chères miennes,
Je fais provision de souvenirs plutôt pénibles… Je puis vous dire que rien ne m’aura été épargné sauf les blessures ou la mort, de tout ce que je peux amener de la guerre.
Je n’ai pas encore de vos lettres ; je pense à la classe recommencée, aux vendanges imminentes, à vous toutes que j’embrasse de loin en vous envoyant le meilleur de mon coeur. »
Le lundi 5 octobre 1914
«Mes chéries,
J’ai reçu tout un paquet de lettres : 25 en deux jours, la dernière écrite par Claire et maman à la date du 22 septembre. Chères lettres d’absentes, comme vous êtes bénies pour le réconfort que vous nous apportez ! Et vraiment comme j’ai honte à les lire de découvrir par comparaison le féroce égoïsme qui sommeille au fond de moi. Je me rappelle que je ne parle jamais que de moi-même… Toutefois, je dois être un peu excusable. La fatigue physique arrive à déprimer le moral le mieux trempé. Je n’ai plus de ventre, mes joues sont creuses… »