Agriculture. La faiblesse des revenus et le dénigrement de la population expliquent les suicides

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Un rapport du Sénat dresse un constat accablant mais esquisse des solutions

Françoise FÉRAT (sénateur de la Marne) et Henri CABANEL (sénateur de l'Hérault) ont remis leur rapport, fruit de plus d'une année d'échanges avec des proches de victimes, des agriculteurs en difficultés et des acteurs du monde agricole.

Le rapport explique que les agriculteurs connaissent une surmortalité par suicide 20% plus élevé que dans la moyenne de la population.

Hausse des charges et prix non rémunérateurs

Le rapport pointe d'abord la faiblesse du revenu agricole. " il est incompréhensible que des agriculteurs travaillent toute une journée pour perdre de l’argent" peut-on lire. L’insuffisance de prix rémunérateurs, la hausse continue des charges, la baisse des aides de la politique agricole commune (PAC), la prolifération et l’instabilité des normes, la course à l’endettement pour s’en sortir... tous ces facteurs exposent beaucoup d’agriculteurs à un revenu insuffisant au regard du volume horaire du travail accompli.

Agribashing de la population et insécurité

Le rapport pointe également du doigt le sentiment de dénigrement, alimenté par un sentiment d’insécurité élevé compte tenu des nombreuses infractions constatées à l’encontre d’exploitants agricoles. Il évoque: "L’inscription de tags sur les murs des exploitations; l’intrusion dans des élevages, voisins néo-ruraux". L’agribashing n’est pas qu’un mot médiatique dénué de sens : il est très profondément ressenti comme une injustice criante par tout un monde agricole ne comprenant pas les accusations dont il fait l’objet. 

40 % des agriculteurs harcèlés lors du dernier mois

Selon une enquête de l’observatoire Amarok 40 % des agriculteurs ont vécu au moins une situation de harcèlement lors du dernier mois. Ces tensions aggravent un sentiment d’abandon déjà fortement présent dans l’esprit du monde paysan. Les agriculteurs sont confrontés à des difficultés économiques croissantes et sont en quête d’une reconnaissance sociale qui leur fait défaut. 

Des aides économiques inadaptées et fastidieuses à demander

La profusion des aides économiques aux exploitations en difficulté a abouti à une illisibilité des dispositifs et à leur éloignement progressif des besoins des exploitants agricoles. Bien souvent, ces aides sont peu mobilisables par des exploitants en difficultés et ne sont donc pas du tout opérationnelles. Le rapport cite l''exemple de "l'aide à la relance des exploitations agricoles (AREA)" dont  les conditions d’éligibilité excluent de facto de trop nombreux agriculteurs. De même, la MSA a le pouvoir de revoir les échéances de paiement des cotisations des exploitants en difficultés, mais uniquement sur une période de trois ans, cette durée ne répondant pas aux besoins. Il en va de même en cas d’épuisement professionnel, l’aide au répit proposée par la MSA en cas de burn-out constaté d’un exploitant agricole étant limitée à une période de 10 jours, alors que ces situations durent en général bien plus longtemps.

Des solutions proposées par le rapport

Les sénateurs proposent des actions pour lutter contre le désespoir des agriculteurs. En premier lieu il souhaite que l'Etat reconnaisse l’importance de l’agriculture pour la société française. Il propose de faire de l’avenir de l’agriculture française une grande cause nationale.

Il détaille ensuite une proposition de mesures:

- Permettre aux agriculteurs de vivre d’un revenu et d’une retraite décents : octroyer, en cas de revenus anormalement bas des producteurs, des aides d’urgence en cas de difficultés conjoncturelles.

- Améliorer concrètement les conditions de travail des exploitants et salariés agricoles : favoriser davantage, par des aides à l’investissement, l’acquisition de petits matériels et dispositifs permettant de réduire la pénibilité de certaines tâches agricoles, en relevant le plafond des aides éligibles.

- Engager rapidement un chantier de simplification des procédures et déclarations administratives.

- Permettre de souffler ou de s’arrêter pour des raisons de santé ou à la suite d’un accident : consolider l’aide au remplacement.

- Garantir des remplacements en cas d’arrêt maladie en augmentant le soutien de la MSA à la souscription d’assurance remplacement par les exploitants et en garantissant une prise en charge des remplacements par la MSA, pour les agriculteurs disposant de ressources inférieures à un plafond. 

- Pérenniser le crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour congés, maladie ou accident.

- Généraliser l’action « Ensemble pour repartir » dans l’ensemble des caisses de MSA.

- Sensibiliser les étudiants agricoles aux nouvelles réalités du métier d’agriculteur.

- Intégrer aux programmes de la formation initiale et continue agricole des modules sur les tâches administratives auxquelles les agriculteurs feront face dans leur carrière, l’évolution des normes sanitaires et environnementales et leur impact financier sur la trésorerie d’une exploitation et une sensibilisation au burn-out.

- Encourager un suivi régulier de la santé des exploitants avec visite médicale obligatoire et gratuite tous les trois ans pour les agriculteurs exploitants de plus de 40 ans.

- Briser le tabou de la reconversion professionnelle: instituer un compagnonnage dans le cadre d’une procédure de reconversion professionnelle pour mieux accompagner l’agriculteur dans la construction de son nouveau projet professionnel. Garantir une sécurisation financière du revenu des agriculteurs lors de leur reconversion, en mobilisant les aides déjà disponibles, par le biais de la signature d’un contrat de reconversion.

 

 

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