Les petits marchés se sont multipliés ;marché de nuit marché de terroir,marché bio mais les grosses foires à date fixe ont pratiquement disparu.
La foire du 16 Août à Vic-Fezensac,était un moment privilégié dans le cycle des travaux à la ferme. La seule activité du moment était le battage de la moisson. Les agriculteurs refusaient de recevoir la batteuse le jour de la foire.
Vers 10 heures on rencontrait sur les routes des cyclistes avec sur le porte-bagage une caisse en bois grillagée et qui contenait des centaines d’escargots .On avait profité des pluies d’orage au cours de l’été pour ramasser sur les peyrusquets des collines des centaines de gastéropodes. On les avait soigneusement mis en réserve au grenier avec un rempart de cendre pour qu’ils ne s'échappent pas .On leur donnait de la farine de maïs, et de temps en temps, on les arrosait avec une pomme d’arrosoir pour leur faire croire à une pluie printanière et ils sortaient de leur coquille.
On les vendait surtout aux restaurateurs de la ville. Au même endroit,dans des cages grillagées,on proposait des furets qui attiraient leur présence par leur odeur de mustélidés. Presque chaque ferme avait un furet , un animal qui servait à débusquer les lapins dans les terriers .On lâchait le furet dans la cavité il se chargeait de les poursuivre et de les faire sortir.
Entre temps on avait pris soin de placer une « bourse » qui se refermait dès que lapin giclait du terrier le chasseur lui bondissait dessus et l’assommait ;Parfois le furet coinçait le lapin dans un cul de sac du terrier il le saignait se gavait de son sang et s’endormait.Des recherches à la pioche mais on ne retrouvait pas l’animal.
Ainsi les éleveurs voyaient les chasseurs revenir avant l’ouverture de la chasse.On distinguait deux catégories de furets : ceux à pelage blanc, très familiers mais peu prisés des chasseurs, les putoisés dont le pelage et l’agressivité sont très proches de la belette et surtout du putois .
Il fallait d’abord convaincre l’acheteur que l’animal était brave et ne mordait pas. C’était alors toute une technique :le vendeur prenait le furet par le pelage du cou , ce qui l’empêchait de tourner la tête pour mordre , puis il le faisait promener sur son bras,lui présentait sa main devant son museau assez loin tout de même .L’affaire conclue,on glissait l’animal dans un sac de toile percé de quelques trous, c’est dans cette opération que souvent le furet sortait ses crocs.Le billet en poche le vendeur disait « je ne vous ai pas vendu ce furet pour le caresser mais pour chasser .
Un autre achat important était celui des plants de choux . Je me souviens encore du nombre qu’achetait mon grand père; cinq paquets de 100 liés avec du raphia et comme il était un fidèle client ,le vendeur en ajoutait 50. Pourquoi ce souvenir précis ? De retour à la maison, il fallait planter les choux . Une comptine dit que c’est chose facile c’est surtout une opération éreintante .Le chou était un légume très prisé à la campagne,il entrait dans toutes les soupes journalières qu’on appelle aujourd’hui garbure et qui est en tête des menus étoilés . ;Au printemps on regarnissait les marmites avec des broûtes, repousses des choux d’hiver.
Mon grand –père avait préparé dans le jardin un grand carré de terre retournée avec le paloum (lourde pelle verticale) et cassé les grosses mottes avec le matuil (masse de bois). La plantation s’effectue de cette manière : d’abord on plaçait le cordeau , et mon grand –père faisait d’un coup de pioche une ouverture dans la terre. Je devais glisser ensuite le chou derrière le plat de l’outil en le retirant la terre tombait et il donnait un bon coup de talon pour avoir un creux qui retiendrait l’eau d’arrosage. Il avait beau me raconter bien des histoires c’était interminable. Suivait la séance d’arrosage; pour éviter tout accident, il puisait lui- même l’eau dans la mare ,j’assurais le relais :un arrosoir pour 4 choux.
Si le temps était chaud, c’était tous les soirs que nous étions convoqués à la fraîche pour abreuver les choux. Pour compenser le travail de plantation, une bonne odeur de saucisse grillée arrivait jusqu’au jardin car à l’occasion de la foire, mon grand-père avait eu la bonne idée de passer chez le charcutier.
Pierre Dupouy