Au temps de l'heure solaire

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AU TEMPS DE L’ HEURE  SOLAIRE 

 

Aujourd’hui   on débat     pour   les  temps     scolaires , pour  les soi -disantes  économies  d’énergie,   dans les    usines  pour  les plages    horaires   tout   cela pour de  meilleurs   rendements . J’ai   vécu    sans  le savoir    l’aménagement  du   temps selon  les     saisons  .Après   la  Toussaint les   jours   diminuent  et la  journée de travail  avec   des  attelages  est plus courte .Aussi  on   n’attendait  pas   que   l’aube    blanchisse  sur la colline d’en  face , on allumait les   lampes    tempête  à pétrole   et   c’était  des  points  lumineux   dans  les  étables et les granges .On  faisait   tomber  le foin  de la fenière    dans  les râteliers  et  avant  d’enlever  le  fumier    des  stalles des  bêtes,  on   buvait  le  café   réchauffé   devant   le feu  réactivé .On  faisait   le   café  pour  une  semaine  avec    peu de   café    et  une  forte  dose  de  chicorée   qui  lui donnait  un  goût amer   très   prononcé  .On   lâchait   les  bêtes   pour qu’elles aillent   boire  à  la mare  puis  on gagnait   la  cuisine   pour  le  solide   repas  de la   journée  . La  pendule    dans sa   caisse longiligne  indique  9 heures   ( solaires  ) . Dans  les  assiettes  creuses on sert   des louchées   d’une soupe   fumante  avec légumes  et  tranches  de pain .Comme  un    grand  feu   brûle  dans   la cheminée  , on en   profite  pour  piquer   à la pointe  d’un  couteau une   tranche  de pain pour la  faire  griller.  Dans  un  plat   de   la   « viande fermière », poulet ou canard était   accompagnée de  pommes  de  terre frites   dans  la graisse  d’oie.En période   de chasse  ma grand-mère   préparait  de délicieux    civets de  lapin  de garenne, capturés   dans les terriers  à l’aide  de  furets  et  de  bourse   de fil. On   complétait  par   une pomme    « de  pommier » .On   reprenait   le  verre ,  après  l’avoir   égoutté de la    piquette  pour boire  le  café .Certains   secouaient    le    carafon  d’armagnac  pour  selon   l’expression  «   faire  un  canard ».Pendant   que   les  hommes   joignaient   la paire  de  bœufs  et  de  vaches  , ma grand-mère  préparait   la  musette  du  goûter,on   l’accrochait   au  crochet  du joug  et en route   vers le champ  à labourer   où on retrouvait  le brabant  laissé  la  veille. . Puis    commençait  le labour  dans   la terre  lourde   au  rythme   des bovidés.Moi   je  marchais  devant  (  daouanteja    tel  était  le terme   gascon ) et guidait   le premier  attelage  de  vaches  «  Mascarino  et   Griso »  en plus  d’aider  les bœufs   à  ce dur travail de labour, elles   donnaient  chaque année  un  veau  et  fournissaient  la lait  pour la maisonnée.  La lenteur  de l’attelage  nous   laissait du temps  pour  réfléchir , pour  regarder   vivre la nature  , les oiseaux  qui fouillaient   la terre  retournée par le soc   pour  capturer   les  vers  de   terre.Mon père  suivait   le brabant, touchant   légèrement  les  bœufs  avec   une aiguillade, bâton   terminé à  un  bout par  une  palette  de fer   pour éventuellement gratter le  soc. Vers quatorze   heures   (  toujours  heure  solaire  ), c’était la pause   pour le goûter , les bêtes   soufflaient  et se mettaient à  ruminer. Mon  père ouvrait  la grande  serviette    qui  portait   brodées   les   initiales  de  ma   grand-mère M.B et sortait   les grandes    tranches  de  pains  , tirées de ce  pain   rond qui  pesait   4  kIlos. On  taillait  des  rondelles    dans le   saucisson     et le  boudin du dernier   cochon   tué  à la ferme.On   buvait un coup   de  piquette ( vin  tiré  des   marcs après fermentation)avec de l’eau.   C’était un  moment    privilégié   de conversation et j’ai encore  en   mémoire  le  calme  qui  baignait  cette scène de repos.Il restait  encore    deux  bonnes  heures   de  labour .On quittait  le champ dès  que l’horizon   ne  se  distinguait    plus   et   tombait  dans le crépuscule, on  n’aimait  guère  être   sur les  chemins dans la nuit.Arrivés   à  la    ferme , on enlevait  le   joug  et les bêtes gagnaient leur   place   à l’étable   où l’on avait     déjà garni    les râteliers  du meilleur   foin  réservé   aux   bœufs  et vaches    d’attelage .On  entrait   dans  la   cuisine  où la lampe  matador    suspendue   aux  poutres  noircies  par   la  fumée  d’une    cheminée qui   tirait mal  comme  toutes  ces   cheminées  des  fermes  gasconnes ,  dessinait   un  cercle  de lumière  blanchâtre  sur la   toile   cirée   où  quelques  fleurs   renvoyaient    des  éclats.On   s’asseyait  devant    l’âtre, ma   grand -  mère  préparait    le  menu du  « souper » .Au  cours  du  repas on  faisait  le compte rendu    des  travaux  de  la  journée  on   échangeait   les « nouvelles »  puis  on  regagnait la cheminée où chacun avait sa  place .On éteignait  la  grosse  lampe, seul   un  petit   lampion   posé sur   une étagère   fixée  dans le mur   au coin de la cheminée éclairait  les  multiples  aiguilles de  ma  grand -  mère  qui   tricotait  des  chaussettes . Pendant   la   semaine   la  veillée ne  se   prolongeait que  pour     les vieux , les  autres  allaient   au  lit   vers  dix  neuf heures    solaires pour  faire    le tour du cadran .

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