Jazz in Marciac – Anne Paceo. L'émotion au rendez-vous

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Il y a quatre ans, elle jouait à L’Atelier, ce petit bar-restau de Marciac qui attire généralement quelques amateurs éclairés. Mais c’est sous le grand chapiteau qu’Anne Paceo se produit ce samedi, entourée d’un trio de haut vol : Leïla Martial (chant), Christophe Panzani (sax, clavier-maître) et Tony Paeleman (claviers).

Née à Niort en 1984, Anne Paceo a débuté la batterie à dix ans. Ses années de formation l'amènent à croiser Kenny Garrett, Charlie Haden, Billy Hart, Sunny Murray ou Dianne Reeves.

Très vite, certaines pointures de la scène jazz, comme Christian Escoudé, Rhoda Scott, Michel Legrand, Yaron Herman, Henri Texier, Andy Sheppard, Alain Jean-Marie, Philippe Catherine ou encore Raphael Imbert font appel à ses talents. Mais c’est le batteur belge Dré Pallemaerts qui lui apportera sans doute, au sein de la classe jazz du Conservatoire National Supérieur de Paris, les principales clefs du métier.

Pendant ces 4 ans, Pallemaerts lui parlera moins de technique que de comportement. Il lui enseigne la concentration et lui apprend comment faire chanter l’instrument. Anne racontera dès lors ses histoires, dont elle ébauche la structure au piano.

Circles, l’album éponyme dont Anne joue des extraits, nous entraîne dans une émotion poétique. Enregistré dans la semaine des attaques terroristes de janvier 2015, il porte en lui la marque du drame.

Il est 19:30, le soundcheck à peine terminé, Anne et moi nous nous retirons pour un petit jeu de questions-réponses, auxquel elle a très gentiment accepté de participer.

Interview

De vous voir jouer sous le grand chapiteau de Marciac, quatre ans après une furtive – mais éblouissante – apparition à L’Atelier, ça fait un grand bond en avant, non ?

Eh bien là, c’est sûr que c’est merveilleux. Ça faisait effectivement longtemps que je rêvais de jouer dans cette salle et, effectivement, il y a eu pas mal de chemin parcouru.

À propos, comment trouvez-vous l’acoustique de cette tente ?

Il faudra voir quand il y aura du monde : à vide, on entend beaucoup la façade, mais je pense que quand il y aura des gens, ce sera assez différent, d’autant plus que le son n’est pas pareil sur scène, il faudrait se mettre devant.

J’ai remarqué que vous êtes perchée assez haut sur le tabouret, alors que beaucoup de batteurs sont assis en équerre. Y a-t-il une intention particulière à travers cette position ?

Effectivement, ça me permet d’avoir plus de puissance, je tape de plus haut.

Venons-en aux projets …

Nous continuons Circles, pour lequel nous avons encore quelque 25 concerts prévus. Il y a aussi quelques festivals, mais l’été c’est toujours un petit peu plus calme pour les musiciens français. En septembre, nous partirons au Brésil, à Verviers en Belgique, pas mal de dates en France et puis, il y a aussi le projet avec les Birmans (ndlr : l’enregistrement Fables of Shwedagon est le fruits d'une rencontre insolite entre Anne Paceo et l’orchestre de musique traditionnelle Hein Tint), qui réunit cinq musiciens français et cinq Birmans, avec lesquels nous allons tourner l’année prochaine.

Un nouvel enregistrement en vue ?

Là, je prépare un nouveau disque, pour lequel je suis occupée à écrire la musique.

Il n’est déjà pas courant de voir une femme jouer de la batterie, mais un batteur ou une batteure (ndlr : Anne préfère ce terme-là à celui de "batteuse") qui écrit de la musique l’est peut-être encore moins. Je pense que vous composez sur piano ?

J’ai effectivement des mélodies qui me viennent en tête et, ensuite, je me sers du piano pour chercher les couleurs. Mais je ne suis pas pianiste, je ne sais pas jouer du piano, c’est vraiment un outil. Après, chacun des musiciens du groupe amène sa patte. Ce qui fait qu’un groupe devient un groupe, c’est quand chacun amène un peu de soi. J’arrive avec une idée de départ, chacun amène ce qu’il est et quand il y a des choses qui me plaisent moins, je le dis, ou je tranche quand le groupe n’est pas d’accord.

Ce qui est tout à fait particulier ici, c’est la place de l’électronique …

En effet. Notre musique devient de plus en plus électronique. Ça l’était déjà pas mal sur le disque et c’est vrai qu’en concert, on va de plus en plus vers ça. On écoute tous de la musique électronique, on aime ça, et ça se met à vraiment transpirer dans ce qu’on joue. Cela dit, chaque soir est différent et il y a des concerts où on l’utilise moins, et d’autres plus, en fonction des états d’âme.

Pour en revenir à l’enregistrement dont vous parliez, quand est-il programmé et le style sera-t-il le même ?

On enregistre en février. Ce sera plus autour de la voix, avec plusieurs chanteurs. Il y aura donc beaucoup de chansons.

La base du groupe restera-t-elle la même ?

A priori oui. Il va y avoir des ajouts et ce sera très différent, mais j’ai envie de continuer à creuser avec ce groupe-là. Après, ça va s’enrichir avec des chanteurs supplémentaires. Et puis, la musique sera tout de même assez différente de ce que je fais là. Je crois que ce sera encore plus entre deux mondes, le jazz, la pop et l’électronique, j’ai envie de continuer à fouiller ça …

Vient l’heure du concert …

Anne Paceo déclare d’emblée l’enthousiasme qu’elle ressent à jouer sous le grand chapiteau de Marciac. On le voit d’ailleurs à sa mine réjouie : elle est visiblement très heureuse de se produire ici.

En plein milieu de cette grande scène, le groupe est rassemblé dans un mouchoir de poche, avec deux petits Fender et un Ampeg dans le dos.

À droite, un Christophe Panzani – hiératique - passe d’un sax aux sonorités oniriques à un petit clavier-maître Akai programmé pour entraîner notre imagination loin, très loin … Il nous avertit déjà que, ce soir, le cœur prédominera la technique.

À gauche, la chanteuse Leila Martial vit véritablement ses paroles et autres onomatopées. Elle souffre en déclamant des mots que seul l’initié peut comprendre et s’accompagne de gestes à la fois expressifs, mais tout en retenue. Tony Paeleman tapisse l’énorme chapiteau de vagues électro-pop multicolores issues du Fender Rhodes, tandis que Anne, l’épaule gauche légèrement levée sur une frappe extrasystolique, sculpte une dentelle de rythmes qui nous amène à des moments magiques de cette intense émotion qui ne nous quittera plus de la soirée.

Standing ovation. 5 000 personnes - enchantées - debout.

Pierre Painblanc

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