Même si le libre choix de la personne accompagnée reste une priorité, le réseau ADMR du Gers s’inquiète des risques et des dérives liés au développement de l’emploi direct auprès des plus fragiles…
Entretien avec Mariette VARGA, présidente de la Fédération ADMR du Gers
En quoi le recours à l’emploi direct engendre des risques pour les personnes âgées et/oufragilisées ?
Nous sommes face à une situation paradoxale. En effet, actuellement, les plus fragiles peuvent être accompagnées par des personnes dont l’expérience, les diplômes, les compétences ou encore les antécédents judiciaires ne sont pas contrôlés.Ainsi, pour les personnes fragilisées (GIR 1 à 4), souvent titulaires de l’APA ou de la PCH notamment, il est laissé libre choix au bénéficiaire de son mode d’intervention. Il peut donc devenir employeur via l’emploi direct avec tous les risques que cela comporte.
Il s’agit d’une situation d’autant plus préoccupante lorsqu’ils n’ont même pas recours à une structure mandataire et passent directement en emploi direct via le Césu notamment.
A contrario, les prises en charge d’aide-ménagère financées par des caisses de retraite (qui concernent les personnes retraitées les moins fragilisées -GIR 5 et 6) ne laissent quant à elles, aucune ambiguïté puisque le bénéficiaire de l’aide est dans l’obligation de recourir à un service prestataire. Ces structures doivent répondre à des exigences de fonctionnement, de qualification et de critères qualité qui sont attestés et vérifiables par la conclusion de conventions entre l’opérateur de services et les financeurs.
Pourquoi souhaitez-vous tirer la sonnette d’alarme contre ces dérives?
Si le Code de l’Action Sociale et des Familles permet à l’usager d’exercer le « libre choix » du mode d’intervention (prestataire, mandataire ou emploi direct »), il est complètement inadapté de solvabiliser, avec des financements publics, des prestations « sans filet ».
En effet, c’est bien via des financements publics pour des interventions qui sont réalisées en emploi direct auprès de personnes fragilisées, que le législateur cautionne que « n’importe qui » intervienne auprès de personnes dépendantes auxquelles on « colle » une responsabilité d’employeur…. Nous ne pensons pas que dans ce cadre, nous puissions parler de sécurité et de bienveillanceà l’égard de nos aînés ou des personnes en situation de handicap…
Pourquoi le recours à l’emploi direct n’est-il pas contrôlé ?
Comme son nom l’indique, l’emploi direct signifie que la personne âgée devient employeur avec toutes les obligations et contraintes que cela comporte.
Malheureusement, les personnes, qui ont recours à ce dispositif, prennent rarement cette décision en toute connaissance de cause…
Est-ce bien raisonnable de faire endosser à une personne âgée fragilisée, le rôle d’employeur ? Personne ne contrôle dans ce cas si le contrat de travail est honoré (lorsqu’il existe …), personne ne vérifie quelque référence que ce soit, la plupart du temps le particulier employeur ne satisfait pas à ses obligations auprès de la médecine du travail, ne sait pas qu’il est de sa responsabilité de veiller à l’application d’une convention collective, n’est pas en capacité d’assurer la gestion des congés payés, se retrouve souvent sans solution de remplacement lorsque son salarié est absent. De plus, le salarié en emploi direct va négocier son salaire net, or, le particulier employeur n’a bien souvent pas conscience qu’il devra rajouter au salaire annoncé, des cotisations salariales et patronales. Il y a aussi la question des déplacements… il ne faut pas croire que les salariés qui interviennent en emploi direct « s’assoient » sur les frais kilométriques… et bien souvent, force est de constater que cela se règle de « la main à la main » !
Mais quels avantages trouvent alors les personnes à recourir à l’emploi direct ?
En emploi direct, le salarié va fixer son salaire, est libre de son emploi du temps et n’est contrôlé par personne ! Du côté de la personne âgée, elle retiendra comme principal avantage qu’elle aura toujours le même intervenant…. Un senior, il est vrai, peut être parfois réticent à avoir des intervenants différents.Selon le nombre conséquent d’interventions à réaliser et les exigences en termes d’organisation du travail, il n’est pas toujours possible d’avoir exclusivement le même salarié si l’on applique la règlementation comme il se doit.
Et quels sont les avantages pour un salarié de travailler au sein d’une structure d’aide à domicile comme la vôtre ?
Que ce soit l’ADMR et les autres services d’aide à domicile prestataire, nous devons satisfaire à de nombreux critères de qualité et exigences de fonctionnement. Nous veillons à l’application de la convention collective qui sécurise les relations entre employeur et salariés. C’est le service (et non la personne âgée) qui endosse la responsabilité d’employeur. C’est le service d’aide à domicile qui recrute, qui vérifie les références. Les personnels sont formés, encadrés, et accompagnés. Le service veille « au grain » quant à l’évolution des besoins de la personne et le bon déroulement des prestations. Le travail est organisé et la gestion du personnel assurée par l’association. Les salariés bénéficient quant à eux de dispositions conventionnelles et contractuelles en toute clarté, comme par exemple la majoration de 45% des heures travaillées les dimanches ou jours fériés, le paiement des temps de déplacement en travail effectif ainsi que d’une indemnité kilométrique à 0,38 €/km y compris avec des trajets rémunérés depuis même le domicile du salarié. Nous veillons à l’application de l’octroi des jours de congés en cas d’évènement familial par exemple. De même que les diplômes et l’ancienneté dans la profession sont pris en compte dans la rémunération. Nos salariés savent à minima 3 mois à l’avance quels dimanches et jours fériés ils seront amenés à travailler (en moyenne 1 par mois dans la plupart des associations ADMR). Ils bénéficient d’une couverture santé collective et des garanties prévoyance, d’heures de soutien psychologique 7 jours sur 7, peuvent participer à des groupes d’analyse de pratiques professionnelles et aux sessions de formation qui sont organisées.
Pour vous, il faudrait mieux encadrer le recours à l’emploi direct ?
Oui, bien sûr pour les interventions auprès des publics les plus fragiles, c’est indispensable. Depuis quelques années, dans les médias, nous observons une augmentation des abus en tout genre auprès les personnes fragilisées.
C’est pour cela que nous pensons qu’il faut porter au niveau politique, des choix qui consistent à ne plus préconiser l’emploi direct via des financements publics qui sont alloués sans filet et sans aucune exigence, aucun contrôle sur les prestations réalisées et ce, au détriment de la sécurité des personnes accompagnées, mais également de la pérennité de l’emploi des professionnels du secteur et de la viabilité des services autorisés…