Le petit écureuil fait de la gymnastique
Sur un vieux chêne morne où foisonnent les guis.
Les rayons du soleil, maintenant alanguis,
Ont laissé le ravin dans un jour fantastique.
Le paysage est plein de stupeur extatique ;
Tout s'ébauche indistinct comme dans un croquis.
Le petit écureuil fait de la gymnastique
Sur un vieux chêne morne où foisonnent les guis.
Tout à l'heure, la nuit, la grande narcotique,
Posera son pied noir sur le soleil conquis ;
Mais, d'ici là, tout seul, avec un charme exquis,
Acrobate furtif de la branche élastique,
Le petit écureuil fait de la gymnastique.
Maurice Rollinat
Dans les brandes, 1877.
Maurice Rollinat n'est pas connu, mais il aurait pu… ou dû. Natif de Châteauroux, ses biographes l'associent très souvent à George Sand qui était une amie de son père. En fait, elle était seulement sa marraine littéraire. Elle n'a eu de cesse de lui conseiller de développer dans sa poésie le sentiment de la nature plutôt que ses angoisses.
La mort brutale de son père quand il avait 21 ans et le suicide de son frère à l'âge de 33 ans, sont des deuils qui transparaîtront fortement dans sa poésie, notamment dans un recueil intitulé «Les Névroses». Mais c'est plus, avec le biais de la vie parisienne qu'il obtient un succès éphémère. Il se produit dans des cabarets, il chantait en s'accompagnant au piano des poèmes, mis en musique par lui-même, dont ceux de Baudelaire.
D'ailleurs, certains comme Barbey d'Aurevilly, voyait en lui le nouveau Baudelaire. Mais Rollinat se méfie d'une célébrité qui s'esquisse, essentiellement liée à ses performances de chanteur, alors qu'il se considère avant tout comme un poète. Il part brusquement de Paris pour s'installer dans la Creuse, en 1883. Année qui sera pourtant l'apogée de sa carrière poétique avec la publication des Névroses, seul ouvrage vraiment retenu par la critique. 1883 marque un vif succès en même temps que le début de l'oubli pour le poète.
Photos Marc Le Saux