Le budget infaisable

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Par Dr Maxime MAURY

Le budget infaisable

Juin, 2025

M. Bayrou recherche 40 milliards d'euros. Que représente ce chiffre en tendance ?

  La France s’est engagée par rapport à ses partenaires européens à ramener son déficit public à 4,4 % du PIB en 2026. 40 milliards représentent 1,3 point de P.IB.  Cela signifie donc que M. Bayrou estime cette année le déficit à 5,7 % du PIB, soit le double de la moyenne de la zone euro.

C’est un écart considérable par rapport au Pacte de stabilité européen. Nous accumulons en permanence et de manière désormais irréversible de la dette supplémentaire. 

A quand l’asphyxie ! La Commission européenne estime que nous pourrons difficilement réduire ce chiffre dans un contexte de croissance proche de zéro.

Depuis la dissolution, le pays n’a plus de majorité.

Étant à la dérive , sa tendance politique centrifuge se renforce. Nous allons probablement vers un renversement du gouvernement et une nouvelle dissolution. Le Premier ministre recherche un référendum introuvable sur la question des finances publiques. Le président de la République est devenu un simple commentateur.

Le nombre de candidats officiels ou officieux à la présidence de la République n’a jamais été aussi élevé. Pourtant tous et toutes se précipitent sur le mur de la dette dont les charges financières atteindront l’an prochain 80 milliards. Quelles seraient les solutions ?

 

Les mauvaises solutions :

- augmenter les impôts.

Dans un pays qui bat le record du monde de l’imposition des entreprises et des particuliers, toute augmentation des impôts se traduirait par une perte d’activité.

La dernière idée à la mode, colportée en boucle par les « experts », serait de taxer les retraités « aisés » ( plus de 2000 euros mensuels ).

Comme les retraités ne peuvent pas se défendre, l’idée fait florès (pour 15 milliards d’euros environ).

 

Trois punitions simultanées sont envisagées contre les retraités :

● Désindexer les retraites alors que l’indexation est la norme; c’est ce que  voulaient faire Barnier et Bayrou, mais le renversement du premier a obligé le second à recourir à la loi spéciale maintenant l’indexation;

● supprimer l’abattement de 10 % qui, depuis 1978, mettait les retraités à égalité avec les salariés. Mais comme cet abattement est plafonné à 4 300 euros la ressource est plus maigre que le discours ;

● augmenter la CSG sur les retraites en accentuant la dérive amorcée en 2019 alors même que les retraités ont cotisé toute leur vie.

Il est vrai que cette piste est tentante car le poids des retraites dans le PIB ( environ 14 % et le quart de la dépense publique) est plus important en France qu’ailleurs.

Mais c’est surtout parce que nous ne travaillons pas assez et que nous avons trop de retraités par rapport au nombre des actifs (avec des pensions légèrement plus élevées qu’ailleurs). Dans tous les pays qui nous entourent, la retraite est à 67 ans et on a fait croire qu’en France elle pourrait revenir à 62 ans. Gros mensonge ! Elle va passer à 70 ans au Danemark.

La principale solution : travailler plus.

L’économiste Gilbert Cette, par ailleurs président du COR, indique que si la France avait le même taux d’activité des séniors que les pays du nord de l’Europe, nous aurions 140 milliards de recettes fiscales et de cotisations sociales supplémentaires.

Pour un déficit public de l’ordre de 170 milliards d’euros, notre problème serait pratiquement résolu. On retrouve le même constat à l’autre bout de la pyramide des âges : le chômage des jeunes est l’un des plus élevés du monde.

Mais travailler plus en France soulève la question de la rémunération et de l’intérêt du travail. Si l’heure de travail est l’une des plus chères d’Europe , les charges écrasent la rémunération nette. Et l’exonération de charges au bas de l’échelle entraîne une smic ardisation de notre économie. Il faut donc trouver d’autres moyens de financer la protection sociale. Et réouvrir le dossier de la TVA sociale débattu depuis vingt ans mais jamais abouti.

Alléger les charges pour augmenter le salaire direct supposerait un financement de la protection sociale par la TVA. Tout le monde paierait y compris les retraités.

Et les produits importés contribueraient enfin à la protection sociale. Mais outre le fait que cette politique, à peine esquissée en Allemagne il y a 15 ans, n’a pas convaincu , elle exigerait une désindexation générale pour ne pas être inflationniste. Reste pour revaloriser le travail à associer davantage les salariés à son organisation, ce qui demanderait une véritable révolution culturelle au pays du « top-down » et de la bureaucratie.

 

Réduire les dépenses, combattre la corruption et le gaspillage.

La France est le pays qui dépense le plus au monde mais la réduction des dépenses semble impossible faute de méthode, de volonté et d’exemplarité.

La condition sans laquelle rien n’est possible est l’exemplarité des dirigeants battue en brèche quotidiennement. Le buzz qui en découle sur les réseaux sociaux bloque toute réforme d’envergure auquel le peuple ne peut que s’opposer par dépit.

Dans notre précédente chronique consacrée à l’absence de probité, nous rappelions que la France était une « monarchie républicaine ». Les dérives financières et comportementales qui en découlent sont permanentes : dérapage des budgets de l’Élysée, avantages incomparables des anciens présidents, déjeuners somptuaires d’un ancien président de région, voyages en avion abusifs etc... La fin de cette « monarchie républicaine » serait le début symbolique d’une réforme d’envergure. Donner l’exemple!

Les quelque 800 agences d’État dont l’utilité est parfois douteuse représentent un budget équivalent à 5 % du PIB. Par ailleurs, les 5 niveaux d’échelons territoriaux est unique au monde. La France est de très loin le pays qui a le plus d’élus par habitant.

C’est un système de prébendes intangible.Réduire la dépense publique pour éviter la faillite qui nous menace à terme suppose de remettre en cause les services votés et de les revoir un par un. Rude tâche sans majorité parlementaire !

Notre système bureaucratique qui exclue la participation des fonctionnaires et des salariés a conduit , dans l’éducation et dans la santé , aux services publics les plus inefficients d’Europe. Les ratios administratifs / opérationnels sont les plus lourds. Pour changer, il faudrait décentraliser, reconnaître un droit à l’autonomie et à l’expérimentation.

Dans une France paralysée et à la dérive, et au budget infaisable , les impôts finiront par augmenter. Et le cercle vicieux se poursuivra. Jusqu’à quand ?

 

Dr Maxime MAURY, Officier des Palmes académiques, Professeur affilié à Toulouse

Business School ancien directeur régional de la Banque de France

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