Trump : Quelles conséquences pour l’Europe ?
L’élection américaine a départagé deux mauvais candidats, mais des deux Trump est
bien celui qui va nous poser les plus graves problèmes.
Il est de bon ton de dire que l’homme est « imprévisible » et que l’on ne sait donc pas
ce qu’il va faire. C’est vrai et c’est faux.
● Vrai parce que le nouveau président des États-Unis est un menteur
pathologique et un pervers narcissique instable ;
● Mais c’est surtout faux parce que dans trois domaines au moins il sait très bien
ce qu’il va faire et il le fera vraiment. Il nous en a d’ailleurs prévenus.
Cette chronique cerne ce qui nous attend.
1) Abandon définitif de la lutte contre le réchauffement climatique :
Dès son élection de 2016, Trump avait fait sortir son pays des accords de Paris (2015)
sur le climat et provoqué la débandade générale dans la lutte pour stabiliser autour
d’1,5 degré le réchauffement de la planète.
Les émissions de CO2 ont donc continué d’augmenter fortement alors que
l’engagement avait été pris de les réduire de 55 % en 2030 versus 1990.
Entraînés par le mauvais exemple des États-Unis , l’ensemble des pays a failli, à
l’exception notoire de l’Europe qui seule va s’approcher de l’objectif.
Or Trump a clairement annoncé la couleur pour son nouveau mandat :
« Forer, forer, forer » du pétrole , du charbon et du gaz et redonner tous leurs pouvoirs
aux lobbies du carbone. Un rapport récent estime que sa présidence aboutira à 4
milliards de tonnes de gaz à effet de serre supplémentaires.
En 2020, le climato-négationniste Trump avait même osé qualifier le réchauffement
climatique de « canular ».
Pour autant, il ne pourra pas complètement démanteler le plan vert de Joe Biden ( «
Inflation Reduction Act »), sauf à mettre en péril des pans entiers de l’économie
américaine en cours de transition. Il ne pourra pas non plus obliger les pétroliers à forer
du pétrole de schiste non rentable alors que le pic pétrolier est dépassé.
On retrouvera cependant le même effet tragique qu’en 2016 et le réchauffement
climatique passera la barre du 1,5 degré qui sera déjà ponctuellement atteint
dés 2024 ! ( cf Copernicus). Les catastrophes naturelles se multiplieront donc partout
dans le monde et le stress hydrique touchera progressivement des pans entiers de
l’humanité. La population mondiale diminuera de ce fait dès les années 2030-2040.
2) Une politique inflationniste qui tendra les taux d’intérêt long terme :
En dépit du bon bilan économique de Biden, Trump a surfé sur le mécontentement des
Américains et la démagogie.
La marque de fabrique du programme de Trump c’est l’isolationnisme, la fin de la
mondialisation, les droits de douane et la réduction d’une immigration pourtant
composée de travailleurs actifs. La toile de fond est l’attribution de tous les pouvoirs au
« big business », la volonté de puissance dérégulée, dont l’homme le plus riche du
monde Elon MUSK est la parfaite incarnation. Les conflits d’intérêt seront légion et
dénatureront la démocratie.
Le programme annoncée par Trump alimentera l’inflation par les coûts
par deux canaux :
● en imposant des droits de douane de 60 % sur les produits chinois et de 10%
sur les produits européens;
● en refoulant une immigration de travailleurs qui a pourtant fait la prospérité des
États-Unis alors même que l’économie est déjà au plein emploi et subira de ce
fait des tensions salariales de plus en plus fortes.
Dès l’élection de Trump, les taux d’intérêt à long terme se sont tendus et l’euro s’est
déprécié d’autant.
L’écart de croissance, d’investissement, d’innovation, de productivité et de taux d’intérêt
entre les États-Unis et l’Europe est sans précédent dans l’Histoire.
Les anticipations inflationnistes deviendront rapidement « auto-réalisatrices » en raison
de la mégalomanie de Trump qui s’autorise à insulter le président indépendant de la
Réserve fédérale en faisant mine de lui donner des instructions. Ce que la Loi interdit.
Craignant l’inflation, les marchés financiers vendront leurs obligations et les taux
d’intérêt augmenteront d’autant. Cela renforcera indirectement le marasme du marché
immobilier en France.
3) Abandon de l’Europe, déclassement du Vieux continent :
Trump est une parfaite incarnation de l’isolationnisme américain, la brutalité en plus.
Le plus probable est que le conflit ukrainien se stabilisera autour d’une ligne de
démarcation à la coréenne et selon le principe du : « ni guerre, ni paix ».
Le nouveau président américain présentera cet « accord » comme une victoire de la
paix. Mais en pratique ce sera une victoire de Poutine dont les conquêtes seront de ce
fait entérinées.
Cette victoire de Poutine entraînera une tension permanente dans les pays baltes et en
Moldavie. Le risque de guerre générale en Europe sera d’autant plus prégnant que
Trump dénonce par avance l’automaticité de l’Article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord qui
stipule que tous les pays doivent se mobiliser pour défendre un pays attaqué.
Le nouveau président américain subordonne en effet l’exécution de l’Article 5 à une
contribution de 2 % du PIB au titre de la défense de chaque pays européen.
4) Feuille de route pour un redressement européen :
« Être ou ne pas être, là est la question. »
( Shakespeare )
Voilà la question pour l’Europe face à Trump et à Poutine.
Il y a deux ans, Poutine a fait placarder sur les murs de Moscou cette phrase prêtée à la
Grande Catherine de Russie :
« La Russie n’a pas de frontières. »
Nous ne sommes pas sur la même planète que la Russie et nous ne sommes déjà plus
sur la même ligne que les États-Unis : la civilisation européenne est fondée sur la
démocratie , l’état de droit , la déontologie, la recherche de la paix et du respect des
frontières, la coopération internationale. Et sur des économies sociales de marché à
faibles inégalités.
Les États-Unis étaient jusqu’à présent la démocratie-mère. Elle était réglée par des lois
anti-trusts et une justice indépendante prévenant les conflits d’intérêt , une décence
dans l’expression publique.
Face au déclassement économique de l’Europe, Mario Draghi parle dans son rapport
sur la compétitivité de « lente agonie » d’une Europe qui semble en panne.
Trois enjeux devraient pourtant relancer la construction européenne :
● Pour 2026, la réalisation d’une Union de l’épargne et des marchés de capitaux.
En unifiant les titres d’épargne et de dettes, cette Union permettrait de drainer
l’épargne de la zone euro ( 300 milliards) vers les projets de la zone euro alors
qu’elle s’enfuit vers le reste du monde.
● Aussi vite que possible, une préférence communautaire et des achats groupés
pour l’armement européen qui dépend largement aujourd’hui des États-Unis.
● Enfin et ce point est essentiel, un financement communautaire de la transition
énergétique hors du champ des critères financiers de Maastricht.
L’Europe actuelle est peu lisible et ne fait pas rêver. Elle risque de s’effondrer sous les
coups du populisme.
La Commission devrait devenir le simple secrétariat d’une véritable Fédération qui
redonnerait des droits aux peuples selon le principe de subsidiarité et renforcerait le
cœur de l’Union qui fait la force.
L’avenir est là ou n’est pas.
Maxime Maury