Entre ces murs, quatre siècles d'histoire(s)

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A cheval entre Salles-d'Armagnac et Panjas, La Maisonneuve était déjà vieille et délabrée en 1700.

Jean Fuster (82 ans), ancien agriculteur, doit changer de commune pour aller chercher les œufs dans son poulailler. De Salles-d’Armagnac, où est située sa maison, il fait quelques pas et se retrouve à Panjas où picorent ses gallinacés. La limite des deux communes passant au milieu de son jardin. Et si c’est bien à Salles-d’Armagnac qu’est implantée sa magnifique maison, il est conseillé d’écrire « Panjas » sur l’enveloppe si vous voulez qu’il reçoive sa lettre en temps normal.

Mais cette originalité géographique et administrative n’est pas la raison pour laquelle le jovial bonhomme nous ouvre sa porte pour nous faire profiter de la fraîcheur de ces murs épais. Madame et Monsieur Fuster ont peut-être la maison la plus ancienne du secteur. En effet, la bâtisse, nommée La Maisonneuve, aurait dans les 400 ans !

Dans la cuisine de 40 m² où une impressionnante cheminée nous fait plonger dans un décor de roman du XIXe, un talkie-walkie crache de temps à autres quelques bribes de conversations ; « Tiens, ils doivent être encore en battue » fait remarquer Jean, qui s’assoit et pose des documents sur la grande table. Curieux, fouineur, M. Fuster a débusqué au fond de son grenier des papiers qui retracent un peu la vie de sa demeure. Mais tout est parti après des recherches d’un habitant du cru installé à Paris. « Monsieur Dufour, fils de l’instituteur de l’école de Panjas, habitant la région parisienne, a retrouvé des écrits qui datent de 1700. Déjà à cette époque la maison était vieille et en mauvais état. Puis est arrivée la famille Ducom, de Manciet. M. Eugène Ducom a remis la propriété en bon état et a relancé l’exploitation agricole des terres. Il y avait 22 bouviers, 7 bonnes... »

Jean Fuster et son épouse sont les propriétaires de La Maisonneuve depuis 1970, à la suite du décès de l’oncle de cette dernière, M. Labadie. Bâtie de pierres de carrière des alentours, avec des tuiles, faites à la main, où on voit des empreintes de doigts, La Maisonneuve, avec ses huit chambres, est le trésor des époux Fuster. Jean a conservé précieusement ce document : un exemplaire de la revue Le courrier des chercheurs et des curieux, qui date du 3ème trimestre 2006. Ce numéro est consacré exclusivement à la propriété La Maisonneuve. Le titre de l’article : « Difficulté d’installation d’un Parisien en campagne armagnacaise au milieu du XIXe siècle. Lettre d’Eugène Ducom à son frère. » Un long texte relate l’installation dans les murs de ce fameux Eugène qui, par des menus détails, décrit fort bien la vie paysanne en Armagnac à l’époque. Mais le dernier paragraphe donne une idée précise de l’état de l’habitation à ce moment-là :

« Ma mère arrivera mercredi, mais je suis très embarrassé pour la loger, La Maisonneuve est inhabitable, ouverte à tous les vents et se change en marécage quand il pleut. Les sept plaies d’Egypte s’y sont données rendez-vous ; les rats – les puces – les crapauds – les serpents (j’en ai deux ou trois dans ma cuisine) – les sauterelles sont remplacées par les poux. La chambre de mon oncle en était pleine. Il en était couvert lorsqu’il mourut. Comme je ne pouvais disposer que de cette chambre pour ma mère, je l’ai fait blanchir à la chaux, fait mettre un papier neuf, boucher les trous de rats et de serpents – les insectes et les reptiles la laisseront tranquille mais elle est glaciale et humide et il faudra y tenir le feu constamment allumé ! Quand tu viendras me voir au printemps, le bivouac sera moins désagréable – mais il n’offre pas beaucoup d’attraits maintenant. »

Quatre siècles plus tard, à Salles-d’Armagnac, La Maisonneuve s’est refait une sacrée beauté !

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