Gilles Cattiau, photographe pour la revue Toros, habitant le Gers et bien connu des aficionados, revient sur les conditions qui entourent la prise de vue du portrait de Fandino illustrant la Une du n° 2051 en date du 30 juin 2017.
"Cette photographie a été prise le 17 juin 2017, vers 17h45, au patio de caballos des arènes d’Aire-sur-Adour (40).
Il fait chaud,
J’arrive systématiquement 1/2 heure avant toute corrida, un rituel inamovible dans ma tête, pour tenter de saisir des ambiances, des situations…l’improbable peut-être
Les mouches, le choc des sabots ferrés de la cavalerie lourde sur le sol, les interpellations, les tapes dans le dos, la pression monte peu à peu, c’est aussi cette tension, imperceptible qui vient, qui transforme et les visages et les comportements qu’il faut tenter de traduire dans l’opportunité de la photographie (écrire avec la lumière).
Un début de cette journée du 17 lourd aussi, avec le voyage à Bascous du matin, pour accompagner en terre la compagne de Marcel Garzelli du Club Taurin Vicois, Marie-France, maire, décédée brutalement dans la semaine. Des images, déjà qui se télescopent, quelques 350 à 400 personnes silencieuses sous les tilleuls du vieux château-mairie, et ce cercueil barré de tricolore qui emporte 70 ans de souvenirs. On aurait dit un mariage, tellement la lumière d’été était là, pas de tristesse, de la gravité dans le silence ban et arrière ban de la politique gersoise, de la tauromachie. tout le monde est là, dans cet été de lumière, près de Marcel et de ses enfants, abrazos, les mots manquent…
Voilà ce qui se bouscule dans ma tête au moment où arrive Fandino, seul, concentré, un regard vers la piste et, la mise en retrait, autographe à un enfant sur une photo de Dieu sait où et de Dieu sait qui, un livre je pense, et Fandino repart, à l’intérieur de lui-même, pour cette métamorphose invisible qui le précipite vers le sacré. Là sans être là, dans ce regard…La lumière accroche son visage lointain déjà. Cadrage, shoot, cadrage, shoot, le moment de grâce est passé, léger de son mystère. Le patio se remplit, fébrile, bousculade, le ruisseau humain s’écoule vers le callejon. Les taureaux de Baltasar Iban sont là, à quelques mètres de nous, dans l’obscurité…dont PROVECHITO, n° 53 qui a rendez-vous avec Fandino »
Gilles Cattiau © , photographe pour la revue TOROS