Après le premier tour des élections présidentielles

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Le mot d'humeur de Romain Duport

« J’appelle à voter Emmanuel Macron ». « J’appelle à faire barrage au Front National ». Et même, parfois,  « J’appelle au vote révolutionnaire (sic), j’appelle à voter Marine Le Pen ».

Après une campagne du premier tour riche en rebondissements, la France s’est endormie dimanche et se réveille depuis lundi matin non pas avec le chant du coq mais au triste son des « jappellements ».

Il fut un temps où le cœur des personnalités publiques s’épanchait avec plus de bonheur dans le combat d’idées et dans la volonté de convaincre. Il fut un temps où le J’accuse sonnait avec plus de force et d’éclat que le veule J’appelle.

Émile Zola, à l’époque, sûr de sa voix et fier de défendre le Droit avait osé s’élever, presque seul face au nombre, et faire entendre son cri dans les colonnes de L’Aurore. Cette lettre était pleine d’éclat et de grandeur et c’était un homme debout qui s’adressait alors au garant des institutions républicaines, le Président de la République Félix Faure. C’était un homme debout qui dénonçait avec courage et panache une erreur judiciaire au mépris des risques qu’il encourait. C’était un homme debout qui, dans la nuit noire, tenait droit un flambeau pour éclairer le peuple vers une aurore qui poindrait avec éclat un an plus tard.

Quelle tristesse si le J’accuse s’était transformé en J’appelle! Mais qui sont-ils, tous ceux qui appellent? Lors de mes précédentes campagnes, avec Sarah Despeaux, nous sommes restés debout aussi longtemps que nous l’avons pu et la seule fois où, avec mes colistiers des départementales, nous avons courbé l’échine sur injonction du suffrage universel, nous n’avons pas appelé. Le « J’appelle », c’est prendre de haut des électeurs libres et indépendants, capables de décider, seuls, dans le tréfonds de leur âme, en convoquant leur cœur et leur raison, ce qui leur semble être la meilleure décision. Le « J’appelle », c’est se considérer berger lors même que nous ne sommes que brebis.

Parfois, le « J’appelle » est encore plus insidieux car derrière ce piètre étendard se trouve l’égoïsme d’individus qui se cherchent une porte de sortie dans le labyrinthe politique.

Au risque de déplaire, sur ce sujet,  je soutiens la position de Jean-Luc Mélenchon qui s’en remet à son collectif, je soutiens la position de Sens Commun qui laisse à chacun sa liberté de conscience. Il n’y a rien de plus déplaisant que tous ces moralisateurs de pacotille, ces fainéants du programme qui font la leçon à ceux qui ne réagissent pas comme un seul homme en imposant leur lugubre « J’appelle ».

Alors, électeurs d’hier, d’aujourd’hui ou de demain, soyez libres. Assumez vos choix mais faites ce qui vous semble le meilleur. Écoutez, laissez vous convaincre mais n’obéissez pas aux injonctions. La noblesse de la politique c’est d’être en mesure de montrer que le programme défendu est le meilleur. La politique, c’est une volonté en action, un sens aigu du bien commun et un désintéressement politique total. La politique du barrage, celle des appels, quel que soit le sens, est d’une pauvreté qui fait honte à ce beau pays des Lumières.

Mesdames et Messieurs de tout bord, partisans des deux camps, militants du vote blanc ou pêcheurs du 7 mai, politiques ou artistes, journalistes ou entrepreneurs, vous dont la voix se fait entendre, de grâce, proposez, débattez, opposez-vous, convainquez-nous mais ne nous appelez pas.

 

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