Quand les gabarres circulaient sur la Baïse...

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La saison du tourisme fluvial sur la Baïse s'achève à la fin du mois.

Si la  Baïse est encore navigable pour les touristes pendant quelques mois de l'année, elle n'est plus cette voie commerciale autrefois très fréquentée.

On peut cependant emprunter le chemin de halage où pendant des décennies des attelages de boeufs et de chevaux tirèrent la gabarre.

Revenons sur nos pas...

Il y a un siècle, on naviguait aussi sur la Baïse mais les mariniers portaient casquette et bleu de travail aux enseignes de la "Compagnie générale des remorqueurs de la Baïse". C'est cette intense activité commerciale que nous voulons faire connaître à nos lecteurs.

Saint-Jean Poutge était le port terminus de la rivière. Pourtant, pendant des décennies, traîna, dans les affiches préfectorales, un projet pour prolonger la Baïse d'abord jusqu'à l'Isle-de-Noé, puis jusqu'à Mirande. Mais un arrêté ministériel du 16 février 1861 fixait Saint-Jean Poutge comme terminus de la navigation sur la Baïse.

Les premiers bateaux accostèrent à la cale de Saint-Jean Poutge en décembre 1877, mais l'avis officiel de la navigation ne paraîtra que le 14 juin 1879.

Tractées par des bœufs

On peut encore suivre les bords de la Baïse en empruntant les chemins de halage.

Les dimensions des gabarres étaient déterminées (127,90 mètres de longueur, 4,10 mètres de largeur, 1 mètre de tirant d'eau ) et la hauteur de la marchandise ne pouvait dépasser 3,5 mètres).

Les gabarres étaient tractées par les bœufs en période où ils n'étaient pas nécessaires dans les fermes ou par des chevaux ou mulets de Castelnau-Magnoac.

Les transactions de location se faisaient à Saint-Jean Poutge.

Le balland de la corde ravageait les jeunes plants sur la berge, ce qui entraînait les récriminations des riverains.

Un arrêté fixait même la grandeur de la corde (circonférence de 2 cm, maximum 60 fils).

Il était également interdit d'utiliser plus de quatre chevaux. Cette réglementation ne fut jamais appliquée sur la Baïse.

Hôtel de la Marine

En suivant le chemin de halage, on rencontre des écluses. Les portes ont disparu mais reste encore la maçonnerie près des maisons d'éclusiers qui furent vendues par l'état en 1935.

Cinq écluses de Saint-Jean Poutge à Beaucaire permettaient la navigation.

A l'écluse de Bonas, existe encore une grange où étaient remisés les chevaux avant l'arrivée à Saint-Jean Poutge.

Les anciens nous ont raconté que les mariniers n'avaient pas bonne réputation et on ne laissait pas traîner les filles dans l'environnement du port de Saint-Jean Poutge.

A Beaucaire, on put pendant longtemps voir des inscriptions "Hôtel" ou "Restaurant de la Marine" .

Une intense activité

Chaque année, de 600 à 700 gabarres accostaient à Saint-Jean Poutge, 749 en 1898. Elles apportaient des matériaux lourds, pierres, sable, sur commande de l'état mais aussi du charbon, du sel, de la chaux et des denrées coloniales. On raconte que moyennant une bombone de vin, les mariniers ouvraient les caisses pour donner en échange une morue salée ou une poche de poivre.

On embarquait à Saint-Jean Poutge à 93 % des eaux-de-vie d'armagnac et du vin qui allaient rejoindre Bordeaux, première direction vers l'Angleterre.

Dans les états des cargaisons, on signale la pierre d'une carrière voisine pour construire le pont d'Agen et d'Aiguillon.

Le tonnage de trafic était important: 25 235 tonnes en 1879, 30 000 en 1898.

Le coût était plus bas que le transport par voie de terre.

En 1880, la tonne était facturée en aval de Condom 0,062 francs du kilomètre, en amont 0,08.

La navigation sur la Baïse pose des problèmes en raison de la profondeur du lit. Il faut transborder les marchandises des gabarres sur les grands bateaux. Le chemin de fer va être un sérieux concurrent. La ligne Port Sainte-Marie/Condom est reconnue d'utilité publique le 31 mars 1865.

Le vignoble de l'Armagnac est frappé entre 1895 et 1897 par la maladie du phylloxera qui détruit l'ensemble. Le vin et l'armagnac, les marchandises essentielles du port de Saint-Jean Poutge disparaissent, la dernière gabarre accosta au Port de Saint-Jean Poutge  en 1936. En 1954, la Baïse est déclassée comme  rivière  navigable.

Pierre DUPOUY

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