par Maxime Maury – Professeur affilié à Toulouse Business School – Ancien directeur régional de la Banque de France
En décrétant de fait la mobilisation générale, bien au delà des seuls réservistes expérimentés, le dictateur russe a choisi l’escalade mais celle-ci peut se retourner contre lui.
Ce scénario pourrait devenir un scénario du type 1917 lorsque l’armée russe vaincue a retourné ses armes contre le tsar. Lénine avait été acheminé vers Saint-Pétersbourg par les bons soins de Guillaume II. Et l’échec militaire russe face à l’Allemagne a abouti à la révolution d’octobre dont l’armée a été le fer de lance.
Même si sa probabilité reste indéterminée car nous ne savons rien en réalité de ce qui se passe en Russie ni de la profondeur des assises policières du régime de Poutine, ce scénario est possible.
En effet, après 7 mois de guerre contre un pays libre qu’elle comptait vaincre en quelques jours, l’armée russe est en situation d’être défaite.
Elle a épuisé ses stocks d’obus et ne semble en mesure de les reconstituer partiellement qu’en faisant appel à la Corée du Nord. Les sanctions la privent des pièces électroniques nécessaires à l’efficacité de son armement. Sa logistique est calamiteuse.
Placée au ban de la communauté internationale, avec une industrie en cours d’effondrement, la Russie est un État-voyou vassalisé à la Chine qui ne veut en aucun cas d’une guerre généralisée en Europe car désireuse avant tout de sauvegarder son commerce.
Pour faire face à une guerre de haute intensité, la Russie dispose d’un PIB compris entre celui de l’Espagne et de l’Italie ! Si l’argent est le nerf de la guerre, la force morale est essentielle à la guerre. Or l’armée russe est démoralisée car elle ne comprend pas ce qu’elle fait en Ukraine……un pays-frère qui n’aspire qu’à la liberté et a rendu, en échange de sa souveraineté, toutes ses armes nucléaires.
Dans ces conditions, on peut prévoir que le petit million de « réservistes » mal armés qui déferlera dans quelques semaines sur l’Ukraine servira de chair à canon avec une efficacité militaire marginale faible.
Les jeunes russes découvriront alors les mensonges de Poutine et, si l’OTAN intensifie son appui à l’Ukraine, l’armée russe peut être défaite et entrer dans un tourbillon de désertions et de troubles du commandement de type révolutionnaire comme en 1917. Les jeunes appelés russes, armés et désormais issus des grandes villes, peuvent retourner leurs vieilles kalachnikovs contre la police militaire et le régime de Poutine.
Le dictateur russe sait tout cela mais n’a plus d’autre choix que la fuite en avant.
Pour donner coûte que coûte une victoire à son armée, il sera tenté d’attaquer les bases arrières de l’OTAN par où transitent les armes pour l’Ukraine. Il pourrait notamment s’emparer de la Moldavie en s’appuyant sur le micro-État pro-russe de Transnitrie.
La tentation sera d’autant plus grande que ce pays n’est pas membre de l’OTAN.
Mais pour un pays membre, comme la Lituanie ou la Pologne, l’article 5 du Traité de l’Atlantique-nord nous entraînerait implacablement dans la troisième guerre mondiale avec les mêmes enchaînements fatals qu’en 1914, et probablement dans la guerre nucléaire.
Le président des États-Unis a raison de rappeler « que l’on ne peut gagner une guerre nucléaire », mais cette sage affirmation est malheureusement moins vraie que dans le passé.
En effet, les missiles supersoniques russes tirés depuis Kaliningrad peuvent vitrifier Londres ou Paris en 3 minutes et sont absolument indétectables.
La dissuasion repose donc sur une délégation préalable donnée par le président de la République à un officier général de la Marine nationale qui ordonnerait depuis la mer la riposte de nos sous-marins. Ce sujet fait l’objet d’un complet black out.
En réalité, le scénario le plus probable est un scénario moyen et triste :
Avec son pseudo-referendum dans les territoires du Dombass auxquels il ajoute les territoires conquis de la Mer Noire et de la Mer d’Azov, le dictateur russe qui excelle dans l’art de la manipulation s’autorisera à installer l’arme nucléaire dans ces territoires qui deviendront son butin de guerre et vraisemblablement les bases de sa « proposition de paix » ultérieure.
Vouloir les reprendre exposerait l’Ukraine à la guerre nucléaire tactique. Et l’OTAN à une équation sans solution.
Pour l’Ukraine, la survie passe par la conservation du port d’Odessa qui doit rester le poumon commercial de ce pays martyrisé.
Face à la dictature, nous sommes tous des Ukrainiens.
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