Le Petit Monde de Vic : CLP, CQFD...ou toute la vérité sur la vie secrète des correspondants locaux de presse

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C'est le retour du Petit Monde de Vic né sous la plume de notre écrivain local François Macé.

Pour les nouveaux lecteurs, il ne s’agit ni de chronique historique ni de chronique locale mais de pure fiction que la vie locale lui inspire.

Selon la formule consacrée, "toute ressemblance avec des faits et des personnages actuels ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence..."

Même si les différents épisodes sont indépendants, vous y retrouverez des personnages récurrents...et truculents !

Retrouvez les liens des premiers épisodes ci-dessous :

Le curé aux chaussettes pourpres :  Partie 1 et Partie 2

Atout coeur :  Partie 1 et Partie 2

La chanteuse qui n'est plus en formes : Partie 1  et Partie 2

Vic vaut bien une messe Partie 1 et Partie 2

Avant-propos:

Ce récit est totalement sorti de l’imagination de l’auteur donc de la mienne. Cette histoire est inspirée par la manière d’être de plusieurs de mes confrères correspondants de la presse écrite.

Dans le dernier opus du Petit Monde de Vic y apparaissait un personnage important de la vie de la cité : le correspondant local de presse (CLP) l’acronyme est à retenir pour la suite.

Nous nous intéressons donc à la journée de l’un de ces anonymes qui n’ont jamais les honneurs de la presse et pour cause.

A mon sens et cela n’engage que moi, la presse écrite est une réminiscence du XIXème siècle.

Ce type d’information a aussi véhiculé des comportements et des habitudes qui se sont transmises de génération en génération de professionnels.

La presse Internet qui mélange vidéo et texte est en rupture avec la presse uniquement écrite et imprimée.

Les faits se déroulent un peu après la messe de minuit et du repas improvisé dans la sacristie narré dans un précédent opus.

Posons le décor.

Dans un journal de la presse régionale, nous trouvons en haut de la pyramide le patron, le propriétaire de l’affaire. Généralement, la source de revenus n’est pas vraiment le lectorat, les annonceurs sont des gens courtisés. Autrefois on nommait cela « la réclame ».

Plus le nombre de lecteurs sera important, plus les encarts de « réclame » seront vendus à un prix élevé.

Le patron courtise depuis longtemps les politiques. Les mariages entre les journalistes femmes et les politiques sont légion.

Les politiques distribuent des subventions en échange d’articles qui leur sont au minimum peu défavorables.

Donc le patron mange les petits fours des cocktails sous les lambris de la république. Il courtise aussi le préfet qui est le représentant des politiques.

Le rédacteur en chef aimerait sortir manger des petits fours avec les politiques. Cela n’arrive pas souvent.

Il courtise donc le maire des grandes villes de son secteur. C’est un commerce de proximité. Cela permet parfois d’obtenir un poste bien rétribué à la mairie.

Très souvent, il est bloqué au bureau pour l’organisation de l’édition journalière qui demande beaucoup de travail.

Il est secondé par trois ou quatre journalistes souvent jeunes qui sont formés dans des écoles de journalistes. Cela confère une standardisation de la manière d’écrire. Ils sont remplaçables à l’instar des ouvriers spécialisés des chaînes automobiles.

Dans le bureau, nous trouvons « Cocotte » qui est la correctrice. Elle relit et réécrit les articles trop longs de certains. Elle est peu à peu remplacée par le correcteur orthographique des logiciels de traitement de texte.

Le maquettiste est la personne qui compose la page. Cette dernière est remplacée par les logiciels de mise en page qui sont sans pitié pour les textes trop longs.

Les dernières lignes sont impossibles à écrire. Il faut enlever des phrases entières au milieu des explications de l’article en question.

Le journal emploie un ou deux photographes. Les politiques et les annonceurs aiment être pris en photo par un professionnel possédant un gros appareil.

Plus l’appareil est gros plus le journal est sérieux.

Tout en bas de ce petit monde, nous y trouvons les correspondants locaux de presse. Il s’agit bien souvent de retraités. Par le passé, l’instituteur réalisait cette activé considérée comme valorisante.

Aujourd’hui, le Correspondant Local de Presse est âgé et un peu ronchon. Il doit courir de manifestations locales en assemblées générales ennuyeuses.

Prendre des photos n’est pas son fort et au regard de ses revenus son équipement est minimal.

Nous nous intéresserons donc à l’un deux. Je le répète le personnage est imaginaire mais les situations sont le reflet de toutes ces petites mains qui ne sont généralement pas vues dans le haut de cette pyramide. Les articles sont payés une misère, ce qui en dit long sur la reconnaissance de leur travail.

Début de journée

Nous sommes en février 2021. C’est mercredi, il fait froid. Le jour est blafard. Celui-ci se lève avec difficulté.

A Vic, la journée du correspondant commence généralement au café des Sports, aux environs de 8 heures un peu avant l’ouverture des bureaux.

Cela donne trente minutes environ pour discuter et prendre des nouvelles du pays. C’est une manière de saisir devant un café fumant les conversations des employés de mairie qui sont parfois bavards pour le plus grand bonheur du correspondant.

Il est possible d’y rencontrer le maire Falkoviac, le demi-centre de l’équipe de France de 98, qui vient lui aussi  prendre un café avant d’aller signer les documents.

Un maire cela signe beaucoup.

Ce n’est plus l’agitation des grands jours. La Covid a changé les habitudes.

Le vieux correspondant est appuyé contre le bar. Il s’agit d’André.

Tous l’appellent par son prénom. Cela n’exclut pas le respect et la crainte. Un article de lui peu défaire un conseil municipal ou une équipe de rugby.

Le type est âgé, grand, mince et toujours affublé d’une veste de sport. Sa casquette écossaise ornée d’un pompon vert foncé est posée à proximité.

Il tourne sa cuillère dans la tasse d’un geste automatique. Cela donne de l’autorité à sa posture. Ce dernier n’est pas là pour boire le café mais pour tourner la cuillère dans la tasse. S’il lui arrive de boire le café, ce dernier est froid. Il est à l’affût comme un chasseur.

Ceci dit, il s’ennuie. Beaucoup de temps et peu de reconnaissance de la part de sa hiérarchie.
Il écoute mine de rien toutes les conversations. Il doit aller rencontrer un écrivain d’ici une heure. Cela l’ennuie un peu. Il lui faudra y passer beaucoup de temps pour comprendre l’activité de cette personne et surtout le sujet de son dernier livre. On ne lui pardonne pas une erreur de compréhension ou de retranscription d’un nom. André est dans ses réflexions, lorsque le maire pousse la porte du café. Une bouffée d’air frais arrive jusqu’au bar. Il est salué par une poignée d’anciens. Sa notoriété est grande. L’homme grand est toujours athlétique. Il faut garder à l’esprit qu’il est un ancien international de football.

Deux jours auparavant, s’est tenu un conseil municipal avec pour objet l’entretien du cimetière municipal. Ce n’était pas le seul sujet mais c’est un sujet qui fâche au regard des herbes folles qui poussent dès que la vigilance des employés se relâche. André y était présent. Il s’en est fait l’écho.

Correspondant dessiné par le maire lors du dernier conseil municipal ennuyeux

Le maire s’appuie négligemment contre le comptoir à proximité d’André.

« Je te remercie pour ton article, maintenant on passe pour des radins ! 

-Quoi ?  André joue l’innocent.

 Je ne vois pas quoi vous voulez parler ! 

-Tu n’étais pas obligé de préciser que les graviers de l’allée du cimetière étaient offerts par Georges qui est le patron des travaux publics, parce que nous tardions à le faire faute de budget immédiat ! »

André n’aime pas ce genre de réflexion.

« Je pourrais évoquer le contrôle technique de votre voiture qui est passé depuis trois jours... et je ne m’en fais pas l’écho ! »

Le maire baisse le ton et à voix basse presque inaudible lui murmure :

«  Tu n’es pas certain que CLP ne signifie pas Comité des Langues de P.tes ? »

 André est le cauchemar du maire.

André est content de lui, il vient de marquer un point. Si le maire agit ainsi, c’est qu’il est vraiment le défenseur de la veuve et de l’orphelin.

Le maire lui tourne le dos et adresse la parole à un ancien conseiller municipal.

Fin de la première partie

Dessin-titre : les journaux sont en allemand car la plupart des correspondants rêvent d'écrire pour des journaux étrangers !

A suivre !

Texte et dessins : François MACE

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