Jazz in Marciac – Le Rosenberg Trio

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For Sephora… forever !

Les Rosenberg montent – souriants – sur la grande scène de Marciac et Stochelo, qui est pourtant un habitué des lieux, annonce d’emblée l’honneur qu’il ressent de jouer pour cette 40ème édition en compagnie de ses deux cousins, les frères Nous’che (guitare) et Nonnie (contrebasse) Rosenberg.

C’est Stompin’ at the Savoy, que Django interprétait à la fin de la guerre, qui ouvre le bal. Les notes s’envolent et donnent déjà le vertige.

Parce que Nous’che aime bien les morceaux (très) rapides, on enchaîne avec un autre Django, Festival 48, histoire de se défouler un peu. Les deux guitares à petite bouche crachent plus de notes qu’il est possible d’en imaginer, tandis que Nonnie reste impassible derrière son énorme instrument. Le jazz manouche, comme le blues d’ailleurs, peut vite devenir lassant lorsqu’il se transforme en concours de vitesse. Pour le sauver de ce travers, il faut de la chaleur, de la musicalité dans les notes, bref, du cœur. Et c’est bien la grande qualité qu’il convient de saluer chez Stochelo : les notes (en)chantent à souhait et on ne se sent jamais envahi par la technicité.

Stochelo, un brin cabot, fait semblant d’être essoufflé et annonce un morceau « plus calme ». Après une longue et belle introduction, quelque fois teintée d’extraits de Lettre à Elise, c’est donc au tour de Nuages, salué par des applaudissements nourris et dont l’interprétation renforce encore ce sentiment de plénitude déjà éprouvé.

Visiblement, les amateurs sont ravis d’entendre du Django et on ne peut rêver meilleurs interprètes que les membres du trio Rosenberg pour servir – quand ils ne le subliment pas – le Maître de Liberchies.

Stochelo introduit alors un premier invité, Steeve Laffont, un guitariste qu’il connait depuis longtemps et qui s’inscrit à merveille dans cette logique chaleureuse qui anime le concert depuis les premières notes. Car Laffont, soutenu par un trio à qui on ne la fait pas, tire excessivement bien son épingle du jeu, même s’il se montre parfois pris de court lorsque Stochelo lui donne la parole plusieurs fois de suite sans crier gare, histoire de le pousser dans ses derniers retranchements.

Vient le moment de présenter un deuxième invité, le violoniste Costel Nitescu, avec qui les Rosenberg se sont déjà produits à Marciac. Un vrai virtuose, Nitescu, pas impressionné pour deux sous. Les présentations à peine terminées, il prend les choses en main et attaque le morceau suivant. Stochelo, pour suivre, va au bout du manche, dans les extrêmes aiguës. Plus loin, c’est l’ouïe de la table, dans laquelle ses doigts vont tomber. À eux cinq, ça s’envole vers des sommets !

Mais, on le sait, la générosité des Rosenberg est sans égale. Voilà déjà que se voit introduit un troisième invité en la personne de l’accordéoniste Ludovic Beier, tombé dans le jazz après sa rencontre avec Angelo Debarre. C’est cependant à l’accordina, une espèce de melodica à boutons, qu’il donnera au prochain morceau, le Manoir de mes Rêves, des accents à la Toots Thielemans, avec qui il joua naguère au Carnegie Hall.

La virtuosité de Beier s’étend évidemment au piano à bretelles, avec lequel il nous emmène en Argentine. Le jeu de Nitescu relève de l’exploit sportif. Quant à Laffont, il en a gardé sous les doigts pour la fin et se montre éblouissant.

On passe au thème très lent du Parrain, de Nino Rota, avec une intro on ne peut plus évocatrice. Parle plus bas car on pourrait bien nous entendre… Des sourires illuminent le visage des six musiciens : ils sont visiblement heureux de jouer là, ensemble. Et après le standard How high the moon, on passe au morceau que j’attendais depuis le début : un sublime For Sephora, écrit par Stochelo Rosenberg pour sa petite sœur. Oubliez vos exercices de pentatoniques à la guitare, ça part dans tous les sens. Et on peut demander à Beier absolument tout ce qu’on veut, ce gars-là semble avoir des ressources inépuisables.

Kom snel terug, Stochelo !

Pierre Painblanc

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