Sarkozy et ses ancêtres gaulois

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le mot de Gilles

   

Gilles Casanova remercie Laurent Bouvet.

Sarkozy : «Dès que l'on devient français, nos ancêtres sont gaulois»

Nos ancêtres sont « les Gaulois »

Ces derniers temps, j'ai hésité à être le premier qui dise à quel point ce propos de Nicolas Sarkozy ne méritait pas du tout les sarcasmes, l'assimilation à Nadine Morano ou au fascisme à front de bœuf.
Il l'a fait sur son mur, dans une belle page que je reproduis ici.
Cette idée que nos ancêtres sont « les Gaulois » fait partie de ce que Nicolas Sarkozy appelle notre « roman national », mais que l'on peut appeler plutôt notre « récit national » si l'on ne souhaite pas qu'il soit empreint de trop de fiction, comme c'est souvent le cas de celui que nous sert régulièrement, mais avec habileté, l'ancien Président.
Ce « récit national, », c'est ce qui tient ensemble un peuple, comme le peuple français, qui n'a en commun, ni une ethnie, ni une position géographique définie par des frontières naturelles indépassable. 
Le peuple français est un assemblage, qui comporte une moitié qui vit dans l'Europe du Sud et une moitié qui vit dans l'Europe du Nord – la Loire est la frontière entre ces deux parties de l'Europe –, une moitié qui vit dans un climat hyper océanique, une partie qui commence à approcher celui de l'Europe centrale, et une partie qui est l'exemple type du climat méditerranéen. 
Ce qui les rapproche c'est une conscience et une volonté d'appartenir à la Nation française et de déterminer ensemble son avenir. Et pour cela s'y battre pour défendre des idées et des valeurs, dans la « commune dispute » (selon la formule de Stéphane Rozès) qui fait que, dès qu'un sujet un peu important surgit (l'école libre, le mariage pour tous, etc.), la moitié des Français proclame le contraire de l'autre moitié. 
Mais ce ne sont jamais les données climatiques, ethniques, ou géographiques, qui rendent compte de cette division. 
On se lève, en moyenne, à 6h45 dans le Nord et à 8h15 dans les Alpes-Maritimes. On dîne à 18h45 dans le premier département, et à 20h dans l'autre. On n'a pas tout à fait la même vie quotidienne, à Menton et à Roubaix. Cependant ce sont les mêmes sujets qui agitent le débat public, et les discussions entre les gens. Même si on y parle aussi du temps qu'il fait, dans les deux cas, et qu'il ne fait pas vraiment le même temps… Cependant, à quelques kilomètres de là, à Courtrai ou à Vintimille, on partage le climat de Menton ou de Roubaix, on a quasiment la même position géographique, la population a exactement la même composition ethnique, mais on ne parle plus du tout de la même chose.

Ces fameux gaulois

Ces fameux Gaulois qui venaient il y un peu plus de 2000 ans, de l'emplacement de l'actuelle Hongrie, mais probablement, auparavant, de bien plus à l'Est, tout comme la plupart des populations européennes, occupaient la plus grande partie de notre espace national actuel, au moment de la conquête par Jules César, c'est eux qui ont été choisis, et sont entrés dans l'imaginaire populaire, comme nos « ancêtres ».
Se reconnaître dans ces « ancêtres », c'est exprimer sa volonté d'adhérer à une abstraction qu'est la France, et non à une réalité concrète que serait une ethnie unique, ou un territoire comme celui de l'Islande, déterminé par une côte infranchissable.
Oui, nous avons besoin de ces « ancêtres » là, même s'ils ne sont les ancêtres de quasiment personne dans ce pays, et justement parce qu'ils ne sont pas nos ancêtres biologiques, qu'ils marquent simplement une volonté de « faire France » au-delà de ces aspects autres que la volonté, la culture, la langue, l'avenir projeté en commun, et la « commune dispute » qui résulte de tout cela. 
La « dépression française », touche aussi toute la France, pas seulement les endroits où le soleil est rare… 
Une des raisons de cette dépression, c'est que le flux intellectuel et médiatique dominant veut nier ce récit national, et lui opposer un « roman national » bien différent, mais qui ne dit pas son nom. « Roman national » qui commence par la Terreur meurtrière de la Révolution française, se poursuit par la Colonisation criminelle, puis les traites négrières, crime contre l'humanité, enfin la Collaboration avec le nazisme, pour finir par la torture en Algérie ! Ce serait ça, la France… nul doute que si l'on est né au-delà de l'Hexagone, ou si ses parents sont nés au-delà de l'Hexagone, on ne soit pas très chaud pour rejoindre un tel projet.

Une population déjà très bigarrée

Dans les débuts de la Ve République, j'allais à l'école dans un endroit qui s'appelle aujourd'hui le 93, où vivait une population déjà très bigarrée, et mes ancêtres – on peut remonter jusqu'à une dizaine de générations – n'avaient que peu à voir avec ces Gaulois qui, contrairement à tant d'autres populations, ne marquèrent pas la Corse d'une grande empreinte. Mais nous apprenions « nos ancêtres les gaulois », et la classe bigarrée, dont le seul blond avait un nom italien, comprenait bien que nous parlions de ceux qui étaient là avant nous, et dans lesquels nous nous reconnaissions, pour construire notre avenir commun.
En disant ce qu'il a dit sur « nos ancêtres les Gaulois », Nicolas Sarkozy touche profondément ce qu'est le peuple français. Ceux qui rient de lui, ceux qui le brocardent ou le traitent de fasciste, organisent ses succès futurs, ou ceux des populistes d'extrême droite. Ceux-là sont culturellement installés dans la « mondialisation heureuse », se sentent partie prenante d'une « élite mondialisée », et rejettent en arrière cette « France moisie » qui vit « l'insécurité culturelle ». Ils se font les porte-voix mêmes de ces « élites hors sol » que le peuple français aime tant, aujourd'hui, détester.

 

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